"Ces médicaments coûtent très peu cher en réalité: le remboursement qui intervient sur ces tubes est de 20, 30, 40 centimes d'euros... Les 1% de Français qui utilisent le plus l'homéopathie ont un taux de remboursement de l'ordre de 2 euros par mois, donc je ne pense pas que ça grèvera le pouvoir d'achat", a argué mercredi la ministre de la Santé sur RTL.
"La crise des gilets jaunes a montré que quelques euros cela peut être rédhibitoire" a toutefois réagi auprès de l'AFP le Dr Charles Bentz, président du Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF).
Selon lui, le déremboursement "va créer une médecine à deux vitesses". Nombre d'utilisateurs sont précaires "sans emploi, bénéficiaires de la CMU (...)" et "le risque est qu'ils se rabattent sur des médicaments remboursés, plus chers", craint-il, assurant que ce déremboursement s'accompagnera d'une TVA plus importante (10% au lieu de 2,1%).
Le gouvernement s'est rangé mardi à l'avis de la Haute autorité de santé (HAS), qui a conclu à l'absence d'efficacité avérée des granules. Elles ne seront plus remboursées à partir de 2021, après une "étape intermédiaire" d'un an, où un remboursement réduit à 15% sera appliqué au lieu des 30% actuels.
"Il est important que chaque euro dépensé par la Sécurité sociale le soit à bon escient", a souligné la ministre.
Boiron en "colère"
Elle a aussi balayé les inquiétudes sur l'emploi, alors que le laboratoire Boiron, leader du secteur, avance que cette décision menace un millier d'emplois.
"Je ne pense pas que ça pèsera autant sur l'emploi que le dit la firme. Mais je les rencontrerai. Ces entreprises doivent surtout être accompagnées par le ministère de l'Economie et des Finances, si elles se sentent en difficulté", selon Mme Buzyn, insistant sur les possibles nouveaux marchés de l'homéopathie, en expansion en Asie.
Valérie Lorentz-Poinsot, directrice générale de Boiron, a exprimé sa "colère" sur Europe 1, en dénonçant "un massacre organisé de l'homéopathie".
A Lyon, les syndicats des personnels du laboratoire accusent le coup et redoutent les "conséquences désastreuses".
Agnès Buzyn reçoit jeudi des associations, organisations et industriels rassemblés dans un collectif militant en faveur de l'homéopathie "#monhomeomonchoix". Le Dr Bentz indique que son syndicat SNMHF en sera.
"Nous avions le sentiment dès le départ que les dés étaient pipés, que la décision était prise, qu'il lui fallait un habillage", en l'occurrence l'avis de la HAS, déplore l'homéopathe.
Bertrand et Collomb au créneau
Plusieurs politiques sont montés au créneau pour défendre les granules et les emplois qui vont avec. Le président par intérim des Républicains, Jean Leonetti, concède que le gouvernement "a scientifiquement raison" mais il aurait pour sa part continué à rembourser, "de manière très minime" l'homéopathie.
"Si on ne rembourse que ce qui est efficace, va se poser la question des cures thermales", a-t-il lancé sur France Inter
"Le maintien d'un remboursement, même partiel, aurait permis de respecter la liberté de choix, de protéger l'emploi et réaliser des économies: on peut réformer et réduire la dépense publique sans systématiquement diviser les Français et réduire le pouvoir d'achat", a tweeté Xavier Bertrand président ex-LR de la région Hauts-de-France, qui abrite des emplois dans ce secteur.
Il s'était joint à la campagne du collectif "monhomeomonchoix" pour le maintien du remboursement et avait écrit à Emmanuel Macron, avant la décision gouvernementale, pour au moins "maintenir un taux de 15%".
Gérard Collomb, maire de Lyon, a lui aussi réitéré ses craintes pour l'emploi.
Dans le camp écolo, la députée européenne Michèle Rivasi (EELV), opposée au déremboursement, a évoqué sur les réseaux sociaux un retour "de l'inquisition, de l'uniformisation".
Certains médicaments homéopathiques sont remboursés par la Sécu sans avoir prouvé leur efficacité scientifique, en vertu d'un statut dérogatoire. Leur taux de remboursement, fixé à 65% en 1984, avait déjà été ramené à 35% en 2003 puis 30% en 2011.
L'an dernier, l'homéopathie a représenté 126,8 millions d'euros sur environ 20 milliards pour l'ensemble des médicaments remboursés, selon l'Assurance maladie.
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