"On achète du temps, les Iraniens aussi. Il faut ramener l'Iran dans le +droit chemin+ en échange d'une mesure symbolique américaine", résume un responsable européen sous couvert d'anonymat.
L'Iran, étranglé économiquement depuis la sortie des Etats-Unis de l'accord encadrant son programme nucléaire et la réimposition de lourdes sanctions américaines en 2018, a fini par déclencher la riposte un an plus tard par une série d'annonces très calculées, en mettant la pression sur les Européens, cosignataires du texte.
Après avoir dépassé le stock autorisé d'uranium enrichi, il a recommencé lundi à enrichir ce minerai à un taux (4,5%) supérieur à ce qui est permis et menacé de franchir une nouvelle ligne rouge "d'ici 60 jours" si les Européens ne prennent pas des mesures pour garantir ses intérêts, laissant craindre une escalade dans ce dossier explosif.
Téhéran joue ainsi la montre avec une obsession, desserrer l'étau des sanctions et tirer les bénéfices économiques promis par l'accord de Vienne en échange d'une limitation de son programme nucléaire dont les Occidentaux redoutent qu'ils n'aient une visée militaire.
"Mais la route qu'ils choisissent (en réduisant leurs engagements) pourrait nous forcer à prendre une route qu'on ne veut pas prendre", souligne un diplomate français.
L'engrenage de violations iraniennes risque de ramener le dossier sur la table du Conseil de sécurité de l'ONU, avec in fine la réintroduction de sanctions onusiennes et européennes qui achèveraient l'accord, déjà compromis par le retrait américain.
"Tout le monde se parle"
Les Européens sont "dans une situation très inconfortable" car ils veulent retarder cette échéance mais sont aussi "très contrariés par le détricotage iranien de l'accord", relève Sanam Vakil, experte au cercle de réflexion Chatham House à Londres.
Les trois pays européens signataires - France, Allemagne et Royaume-uni - font donc montre de fermeté tout en cherchant à tirer profit de la crise pour initier une "ouverture diplomatique" entre Washington et Téhéran, ajoute-t-elle.
"Concrètement tout le monde se parle", explique le responsable européen.
Le président français Emmanuel Macron est en première ligne. Après avoir parlé samedi à son homologue iranien Hassan Rohani, il s'est entretenu lundi avec Donald Trump et a dépêché mardi son conseiller diplomatique Emmanuel Bonne à Téhéran.
"Il faut tout mettre pour avoir un espace de dialogue", insiste le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, invitant les Américains à faire aussi "les gestes d'apaisement nécessaires".
Zone grise
Cela pourrait passer par de nouvelles dérogations en matière de sanctions sur les exportations de pétrole iranien, notamment vers la Chine et l'Inde, souligne une source diplomatique.
Les Etats-Unis pourraient aussi fermer les yeux sur le trafic illicite de pétrole qui échappe aux sanctions. "Mais les Iraniens ne s'en satisferont probablement pas. Ils veulent un geste plus significatif", ajoute cette source.
Ces derniers font tout de leur côté pour laisser la porte ouverte aux discussions. "Si on n'avait pas voulu négocier, alors on serait sorti de l'accord", pointe un diplomate iranien.
Le risque de prolifération reste pour l'heure contenu, assure-t-on à Paris, même si Israël, qui accuse l'Iran de vouloir se doter de l'arme atomique, s'inquiète d'un "développement très dangereux" .
"Il faudrait dépasser le seuil de 20% (d'enrichissement) pour être dans la zone dangereuse. Pour le moment nous sommes dans une zone encore relativement contrôlée", note l'ancien chef de la diplomatie française Dominique de Villepin.
Mais le régime iranien a aussi engagé un rapport de forces potentiellement lourd de conséquences avec Washington.
Il a détruit en juin un drone américain et est fortement soupçonné par les Occidentaux d'être derrière plusieurs attaques de pétroliers dans le Golfe, carrefour stratégique.
"Si l'Iran veut se battre, ce sera la fin officielle de l'Iran", a tweeté Donald Trump, avant d'annoncer avoir stoppé des frappes américaines in extremis. Un signe d'ouverture potentielle au dialogue, veulent croire les Européens.
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