Dans quelques jours, des millions de corolles bleu pastel jailliront des champs de lin qui tapissent ça et là les communes rurales en périphérie de Caen. Dans les bureaux de l’usine de teillage Vandecandelaère à Bourguébus, le téléphone de Patrick Berghman, directeur ne cesse de sonner. "A la fin du mois, ce sera l’heure de l’arrachage, un moment décisif dans la culture du lin", explique-t-il. Et nombre de ses 250 cultivateurs partenaires sont prêts à entendre ses conseils pour savoir comment amener leurs pousses à leur plus belle maturité.
La crise touche le lin
Tous espèrent que la moisson 2012 sera meilleure que les deux précédentes. "Depuis vingt-sept ans que je suis dans le métier, 2011 fut de loin la pire, aussi bien au niveau de la qualité que de la quantité", estime Régis Marie, contre-maître au sein de la coopérative de Villons-les-Buissons qui assure près de 25% de la production calvadosienne grâce à ses 150 membres. "Nous avons eu il y a encore quelques années, des semaines où nous exportions huit containers. En ce moment, nous sommes contents dès qu’on en expédie trois par mois".
A Bourguébus, Patrick Berghman mise sur une production en hausse pour 2012. "Nous espérons récupérer 7,5 tonnes de lin par hectare, contre 4,3 l’an passé, et surtout récupérer 20% de fils longs, contre 13% en 2011". Il espère les vendre 2€ le kilo sur le marché mondial, une fois la transformation achevée en usine, à partir de fin septembre. Le prix étant plus variable que celui des céréales, les producteurs français n’ont pas hésité à diminuer la taille des surfaces cultivées ces dernières années.
Une fois mis en conteneur, le lin teillé est expédié en balles ou en rouleaux de 100 kg, dans la grande majorité des cas à l’étranger, sachant que les clients chinois de Caen tissent 90% de la production mondiale de lin. L’exploitation de Bourguébus est également dotée d’une usine de peignage qui permet d’obtenir un ruban de fils longs de très bonne qualité, qui part directement en Italie.
Tout est récupéré
La transformation du lin récolté autour de Caen suit chaque année à Villons, Cagny ou Bourguébus un processus bien rodé qui permet de séparer la plante en quatre produits distincts. Les bonnes années, cette séparation offre la répartition suivante : 20% de fils longs pour le textile, obtenus grâce aux fibres longues du lin, 15% de fils courts issus des étoupes (fibres courtes moins résistantes) destinés à la papeterie et éventuellement au textile, 5% de graines et 55% d’anas (tiges centrales brisées en petits fragments). Et comme "rien ne se perd dans le lin", même la poussière issue de la transformation de la plante peut être récupérée pour être mélangée à du lisier de porc et obtenir un compost inodore.
La graine, riche en omega 3, est utilisée par le secteur agroalimentaire aussi bien pour les hommes que pour les animaux. Les anas servent essentiellement aux litières de bovins et de chevaux.
Nouveaux débouchés
Le lin continue de se découvrir de nouvelles utilisations. La recherche et le développement constituent désormais un secteur d’activité essentiel pour dénicher de nouveaux clients. "Nous ne sommes plus à la préhistoire dans ce domaine, mais il reste encore beaucoup d’applications à trouver", commente Sébastien Guéret, l’un des deux ingénieurs de l’usine Vandecandelaère. Dans son bureau trônent de petites billes de lin, mélangées à d’autres produits, qui entrent dans la composition de portières automobiles, de tableaux de bord, de matériel de cuisine, de cannes à pêche, de panneaux photovoltaïques ou encore plus récemment de meubles design ou de tissus géotextiles pour les routes. Entre autres. L’usine Vandecandelaère va se doter d’un centre exploratoire ces prochains mois. Le savoir-faire caennais en matière de lin n’a pas fini de rayonner.
Repères
> Le lin. Plante principalement cultivée pour ses fibres, permettant de fabriquer du tissu mais aussi des matériaux de construction, le lin l’est aussi pour ses graines riches en oméga 3.
> Production. 62% des surfaces françaises de lin sont normandes (250.000 tonnes en 2011 sur 34.000 hectares) ; 10% de la production nationale est réalisée autour de Caen.
> Géographie. Trois sites ont en charge la transformation du lin cultivé dans le "Grand Caen" : Bourguébus, Cagny et Villons-les-Buissons fédérent 540 agriculteurs pour 6 000 hectares.
> Transformation. A maturité, le lin est arraché puis couché. Suivent le rouissage pour séparer l’écorce filamenteuse d’avec la tige, et le teillage pour obtenir les fibres.
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