La décision d'enrichir l'uranium 235 à un niveau de pureté supérieur à 3,67%, la limite imposée par cet accord conclu à Vienne en juillet 2015, a été annoncée mercredi par le président Hassan Rohani.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a annoncé qu'une réunion extraordinaire se tiendra le 10 juillet sur demande des Etats-Unis pour faire le point sur les dérogations à l'accord annoncées par l'Iran.
C'est un des éléments de la riposte iranienne à la décision annoncée en mai 2018 par le président américain Donald Trump de sortir unilatéralement les Etats-Unis de ce pacte et de rétablir les sanctions américaines contre l'Iran qui avaient été levées en vertu de l'accord.
L'accord de Vienne a été conclu entre l'Iran et le groupe dit des Six (Chine, Etats-Unis, France, Grand-Bretagne, Russie et Allemagne) après 12 ans de crise autour du programme nucléaire iranien.
Par ce texte, l'Iran s'engage à ne jamais acquérir la bombe atomique et à limiter drastiquement ses activités nucléaires en échange de la levée de sanctions internationales qui asphyxiaient son économie.
M. Trump a justifié la sortie de ce pacte en accusant l'Iran de n'avoir jamais renoncé à se doter de l'arme atomique (alors que Téhéran a toujours démenti chercher à acquérir la bombe) et d'être la cause de tous les maux au Moyen-Orient.
La réimposition des sanctions extraterritoriales américaines à partir d'août 2018 a fait fuir les entreprises étrangères qui étaient revenues en Iran à partir de 2016 et a fait plonger l'économie iranienne dans une violente récession.
Electrochoc
L'Iran a d'abord réagi en faisant preuve d'une "patience stratégique", selon l'expression officielle, en demandant aux autres Etats parties d'agir pour garantir les intérêts économiques de la République islamique.
Mais le 8 mai, lassée des promesses non tenues de ses partenaires, Téhéran a annoncé s'affranchir de deux de ses engagements pris à Vienne, à savoir le respect de la limite fixée à ses stocks d'eau lourde (1,3 tonne) et de celle imposée à ses réserves d'uranium faiblement enrichi (300 kg).
La République islamique a assorti cette annonce d'un ultimatum donnant 60 jours à ses partenaires pour l'aider à contourner le blocus américain, notamment en vendant son pétrole, sous peine de voir l'Iran renoncer à deux autres de ses engagements.
Pour les Iraniens, il s'agit de créer un électrochoc: si l'accord est bon, comme l'affirment les Européens, il doit être bon pour tout le monde et les autres parties doivent faire ce qu'il faut pour le sauver.
Ne constatant aucun progrès dans la réponse aux demandes de son pays, et sans écouter les appels "à la retenue" ou à la "responsabilité" de ses partenaires, M. Rohani a déclaré mercredi qu'à compter du 7 juillet, son pays enrichirait au-dessus de 3,67% "autant que nécessaire".
Et samedi, un conseiller de l'ayatollah Ali Khamenei a assuré que l'enrichissement d'uranium "augmentera autant que nécessaire pour (les) activités pacifiques" de l'Iran.
Une question reste en suspens, dont la réponse pourrait, ou non, être donnée dimanche par Téhéran: à quel degré l'Iran va-t-il désormais enrichir?
De la réponse dépendra la réaction des autres parties à l'accord.
"Attention avec vos menaces"
Car si le dépassement par l'Iran, le 1er juillet, de la limite des 300 kg d'uranium enrichi à 3,67% n'est pas considéré globalement comme une menace existentielle de prolifération nucléaire, la question du degré d'enrichissement est beaucoup plus sensible.
En fonction du degré retenu (et sachant qu'il faut environ une tonne d'uranium enrichi à 3,67% pour obtenir par purification successive la vingtaine de kilogrammes d'uranium 235 pur à 90% jugés nécessaires à la fabrication d'une bombe atomique), la réaction iranienne sera jugée menaçante ou non.
En contrevenant à ses engagements, l'Iran s'expose à un renvoi de la question de son programme nucléaire devant le Conseil de sécurité de l'ONU, qui a le pouvoir de rétablir les sanctions levées contre l'Iran.
Européens, Chinois et Russes cherchent a priori à régler l'affaire sans en appeler au Conseil, Téhéran ayant prévenu qu'un tel recours signifierait la mort de l'accord.
Le président français Emmanuel Macron a fait part samedi à son homologue iranien Hassan Rohani de sa "forte préoccupation face au risque d'affaiblissement de l'accord nucléaire" iranien et des "conséquences qui s'en suivraient nécessairement", a annoncé la présidence française.
Dans un entretien téléphonique, M. Macron a dit vouloir "explorer d'ici au 15 juillet les conditions d'une reprise du dialogue avec toutes les parties".
L'autre motif d'inquiétude au Moyen-Orient est celui de la réaction américaine sur fond d'escalade militaire entre Washington et Téhéran dans le Golfe.
"Attention avec vos menaces, l'Iran. Elles peuvent se retourner contre vous d'une façon jamais vue auparavant!", a tweeté mercredi M. Trump, qui a menacé à plusieurs reprise d'anéantir la République islamique.
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