Des centaines de personnes sont descendues dans les rues de la capitale, laissant éclater leur joie et clamant "Le sang des martyrs n'a pas coulé pour rien", en référence aux victimes de la répression des manifestations.
Après deux nuits de négociations, le Conseil militaire, au pouvoir depuis la destitution du président Omar el-Béchir le 11 avril, et les meneurs du mouvement de protestation se sont accordés sur une présidence alternée pour la future instance appelée à diriger la transition pendant trois ans.
C'était le principal point de discorde qui avait abouti à la suspension des discussions en mai.
La tension s'était accrue avec la dispersion le 3 juin d'un sit-in devant le siège de l'armée à Khartoum, un drame qui a fait des dizaines de morts parmi les manifestants et provoqué un tollé international.
"Nous avons traversé une phase difficile. Nous avons souvent eu le sentiment que notre révolution avait été détournée, mais aujourd'hui nous pouvons célébrer notre victoire", s'est félicité Mohamed Hussein, en observant les scènes de liesse, accompagné de ses enfants.
Aucun membre des forces de sécurité ou des paramilitaires des redoutées Forces de soutien rapide (RSF), n'était présent pendant ces défilés.
"Trop de jeunes sont morts. Les militaires doivent donner le pouvoir aux civils maintenant", estime Fatma, 50 ans, qui gagne sa vie en vendant de la nourriture et du thé aux abords d'une mosquée d'Omdourman, ville voisine de Khartoum.
"Révolution victorieuse"
Sur les réseaux sociaux, beaucoup disaient ne pas faire confiance aux militaires. "Ce n'est pas fini, mais les règles du jeu ont changé. On doit être malin maintenant", a dit un internaute sur Twitter.
C'est grâce à des médiateurs éthiopiens et de l'Union africaine (UA) que les deux camps ont repris le dialogue mercredi.
"Les deux camps se sont mis d'accord sur l'instauration d'un Conseil souverain, avec une alternance entre les militaires et les civils, pour une période de trois ans ou un peu plus", a dit le médiateur de l'UA, Mohamed El-Hacen Lebatt, lors d'une conférence de presse.
L'accord final, qui va être rédigé par un comité d'experts, doit être prêt pour une possible signature dès lundi, selon un communiqué de l'Association des professionnels soudanais (SPA), acteur majeur de la contestation.
Les militaires vont d'abord présider la transition pendant 21 mois et les civils prendront la relève durant 18 mois, pour une période totale de trois ans et trois mois, selon l'Association.
"Aujourd'hui notre révolution est victorieuse", se réjouit le communiqué.
Le Conseil souverain sera composé de six civils, dont cinq issus de l'ALC, et de cinq militaires, selon un leader de la contestation, Ahmed Rabie.
Après trois décennies d'un pouvoir autoritaire dans un pays déchiré par la guerre civile, Amnesty international a espéré que l'accord marquerait un pas vers "la fin des crimes horribles" perpétrés contre le peuple soudanais.
"Cet accord doit être jugé par la manière dont ceux qui ont le pouvoir maintenant prendront leurs responsabilités pour respecter les droits fondamentaux du peuple", assène l'ONG dans un communiqué.
L'accord "n'exclura personne"
Le numéro deux du Conseil militaire, le général Mohammed Hamdan Daglo, surnommé "Hemeidti", a déclaré vouloir "rassurer toutes les forces politiques (...) et tous ceux qui ont participé au changement" que l'"accord n'exclura personne".
Les deux camps se sont aussi mis d'accord pour "une enquête minutieuse, transparente, nationale et indépendante, sur les différents incidents violents malheureux des dernières semaines", a souligné M. Lebatt.
La contestation réclamait depuis des semaines une enquête indépendante et internationale sur la dispersion du sit-in. Les généraux avaient refusé.
Depuis le 3 juin, la répression a fait 136 morts, dont une centaine dans la seule dispersion du sit-in, selon un comité de médecins proche de la contestation. Les autorités parlent de 71 morts depuis la même date.
Avant le 3 juin, des dizaines de personnes avaient été tuées dans la répression des manifestations déclenchées le 19 décembre 2018 pour protester contre la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, avant de se transformer en contestation du régime de M. Béchir, destitué et arrêté après trois décennies au pouvoir.
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