"On a passé deux jours comme ça, accrochés au bois", raconte à l'AFP, encore sous le choc, Soleiman Coulibaly. Ce jeune Malien sauvé in extremis mercredi par un bateau tunisien, peine à évoquer son calvaire, et à reconstituer les faits.
"On était environ 80", "des Guinéens, des Ivoiriens, des Maliens, des Burkinabés", égrène-t-il, la gorge nouée. "Il y avait quatre femmes, une enceinte, une avec son bébé, et toutes sont restées dans l'eau".
L'embarcation, un bateau pneumatique, était partie lundi à l'aube de la ville libyenne de Zouara, à 120 km à l'ouest de Tripoli, avec 86 personnes à bord, a indiqué à l'AFP un responsable de la Garde maritime tunisienne s'exprimant sous couvert de l'anonymat et se basant sur les déclarations d'un miraculé.
Lundi "à midi, le bateau a commencé à bercer, l'eau a commencé à entrer dans le bateau, les gens étaient traumatisés, certains sont tombés dans l'eau, eux sont restés là-bas ... ", raconte Souleiman.
Il évoque un incendie lorsque l'essence a pris feu au moment où le bateau a commencé à couler.
Quatre survivants, trois Maliens et un Ivoirien, ont été secourus par la Garde nationale maritime, alertée par des pêcheurs, a indiqué à l'AFP le porte-parole Houcem Eddine Jebabli.
L'Ivoirien secouru est décédé jeudi à l'hôpital, et un des Maliens est toujours hospitalisé en réanimation, ont précisé à l'AFP le Croissant-Rouge et un responsable local de la Garde nationale maritime.
Soleiman, lui, est pour le moment hébergé dans un foyer de migrants à Zarzis, dans le sud de la Tunisie, où avaient déjà transité 16 survivants, majoritairement Bangladais, d'un autre naufrage entre la Libye et l'Italie début mai dernier.
Il raconte que les naufragés ont appelé les secours "européens", jusqu'à ce que ceux qui avaient les téléphones tombent à l'eau.
Après deux jours à la dérive, accrochés à ce qu'il restait du bateau, les quatre derniers survivants ont vu mercredi "un petit bateau de pêcheur", ajoute-t-il. Secourus ensuite par la Garde nationale, ils ont été hospitalisés et soignés.
"Assumer la responsabilité"
"La mort de 80 migrants est à craindre, plus d'information est nécessaire pour confirmer ce qui est arrivé et le nombre exacte de disparus," a de son côté tweeté jeudi Flavio Di Giacomo, un porte-parole de l'Organisation internationale des migrations.
Selon un communiqué de la présidence du gouvernement tunisien transmis à l'AFP, le Premier ministre Youssef Chahed avait assuré mercredi, lors d'une visite à Zarzis, que "la question des réfugiés et des migrants ne relève pas de la responsabilité de la République tunisienne" mais que "tous les pays doivent en assumer la responsabilité".
Ces dernières semaines, des dizaines de candidats à l'exil tentant de rallier l'Italie depuis l'ouest de la Libye ont été secourus au large de la Tunisie.
"Le statu quo ne peut plus continuer", a affirmé dans un communiqué Vincent Cochetel, envoyé spécial du Haut commissariat de l'ONU (HCR) pour la Méditerranée centrale, appelant à "offrir des alternatives" pour que "les gens ne mettent pas leur vie en danger" en effectuant ces "traversées désespérées".
La guerre et le chaos en Libye pousse des migrants notamment des Subsahariens à rallier illégalement l'Europe. Mercredi, plus de 44 migrants ont été tués et 130 blessés dans un bombardement aérien contre leur centre de détention près de la capitale libyenne, Tripoli.
Quelques jours après le naufrage qui avait fait un soixantaine de morts début mai, quelque 75 migrants, là encore en majorité Bangladais, sauvés en Méditerranée fin mai, étaient restés bloqués plus de deux semaines sur le pont d'un bateau au large de Zarzis.
Les autorités tunisiennes ont d'abord refusé d'accueillir ces migrants, exigeant qu'ils acceptent d'être renvoyés dans leur pays avant de les laisser débarquer, et un grand nombre d'entre eux ont depuis été renvoyés au Bangladesh par l'OIM.
En août dernier, un autre bateau commercial, le Sarost 5, était resté bloqué plus de deux semaines en mer avec les 40 immigrés clandestins qu'il avait secourus. Soucieux de ne pas créer un précédent, le gouvernement tunisien avait souligné qu'il acceptait ces migrants exceptionnellement et pour raisons "humanitaires".
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