Le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite), a dénoncé "un acte criminel, un acte de guerre" en réclamant la prison ferme pour l'Allemande de 31 ans et en promettant le placement sous séquestre à long terme du navire et une forte amende pour l'ONG.
Mercredi, la capitaine du navire humanitaire, affirmant ne pas craindre la prison, avait forcé le blocus des eaux italiennes imposé par M. Salvini en vertu d'un décret-loi entré en vigueur mi-juin, mais avait dû s'arrêter en face du petit port.
Après 60 heures "incroyablement tendues" pour les migrants à bord, selon ses termes vendredi, Carola Rackete a finalement choisi de forcer le passage au beau milieu de la nuit, obligeant la vedette de la police postée le long du quai à s'éloigner.
"Si on était restés, (le Sea-Watch) aurait détruit la vedette", a commenté un policier qui se trouvait à bord.
Peu après, la jeune femme a quitté le navire encadrée par des agents, sans menottes. Selon les médias italiens, elle risque jusqu'à 10 ans de prison.
Des habitants et militants étaient rassemblés sur le quai, les uns pour acclamer l'arrivée du navire, les autres applaudissant l'arrestation aux cris de "Les menottes!", "Honte!", "Va-t'en!", "J'espère que tu vas te faire violer par ces nègres".
Si les pêcheurs et les habitants de Lampedusa ont été en première ligne de l'accueil des migrants depuis près de 30 ans, la Ligue de Matteo Salvini a obtenu 45% des voix aux élections européennes de mai sur l'île.
Après plusieurs heures dans les locaux de la police, Carola Rackete a été placée aux arrêts domiciliaires dans la matinée. Elle doit être entendue par le parquet dans les 48 heures, a expliqué à la presse son avocat, Leonardo Marino, qui l'a trouvée "fatiguée et stressée".
"Les raisons humanitaires ne peuvent pas justifier des actes inadmissibles de violence envers ceux qui portent l'uniforme en mer pour la sécurité de tous", a commenté dans les médias le procureur d'Agrigente (Sicile), dont dépend Lampedusa, Luigi Patronaggio.
Répartis dans cinq pays
"Nous sommes fiers de notre capitaine", a écrit sur les réseaux sociaux le président de l'ONG allemande, Johannes Bayer. "Elle a exactement fait ce qu'il fallait, elle a insisté sur le droit de la mer et a mis les gens en sécurité".
En effet, les 40 migrants ont pu débarquer à l'aube, certains tout sourire, d'autres en larmes, pour être conduits dans le centre d'accueil de l'île. Après d'intenses échanges diplomatiques, ils devraient être répartis entre cinq pays européens (France, Allemagne, Portugal, Luxembourg et Finlande).
Malgré la fermeté affichée par M. Salvini, le centre n'était pas vide: Lampedusa a vu débarquer plus de 200 migrants pendant les deux semaines où le Sea-Watch est resté bloqué au large de l'île.
Juste après, le Sea-Watch, conduit par les garde-côtes sous le contrôle de la police, est reparti pour s'ancrer au large afin de ne pas encombrer le petit port.
Avec d'autres parlementaires de gauche, Graziano Delrio, ancien ministre de tutelle des ports et des gardes-côtes de 2015 à 2018, au plus fort des arrivées de migrants, campait sur le pont depuis jeudi pour réclamer le débarquement des migrants.
"La souffrance de ces gens est finie", s'est-il réjoui, en comparant les actes de la capitaine à ceux d'une ambulance grillant un feu rouge pour secourir un blessé.
En Allemagne, Heinrich Bedford-Strohm, chef de l'Eglise protestante, donateur de l'ONG Sea-Watch, a dénoncé l'arrestation comme "une honte pour l'Europe", tandis que le chef des Verts, Robert Habeck, assurant que le vrai "scandale" était les noyades en Méditerranée et l'absence d'alternative pour les migrants.
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a appelé samedi à la libération de Mme Rackete: "Sauver des vies humaines est un devoir et ne saurait jamais être un délit ou un crime".
Malgré les difficultés du Sea-Watch, l'Open Arms de l'ONG espagnole Proactiva Open Arms et l'Alan Kurdi de l'ONG allemande Sea-Eye étaient samedi en route vers la zone des secours au large de la Libye.
M. Salvini leur a intimé de laisser les garde-côtes libyens secourir les migrants. "L'objectif est de ramener tout le monde sur le continent africain", a-t-il insisté samedi, même si son collègue des Affaires étrangères, Enzo Moavero, a estimé vendredi, comme les ONG et l'ONU, que la sécurité des migrants ramenés en Libye n'était pas garantie.
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