"Nous avons un message: donner aux jeunes les moyens de devenir de braves gens et d'accepter les autres tels qu'ils sont", résume pour l'AFP Athena Kills, un étudiant de 22 ans répondant pour l'état-civil au nom de Jovani Morales.
L'atelier lecture est organisé dans le cadre de la "Drag Queen Story Hour", une initiative lancée en 2015 aux Etats-Unis dans quelques bibliothèques ou écoles à travers le pays.
Loin des bastions LGBTQ de San Francisco ou de New York, qui célébrait cette semaine sa "World Pride" en grande pompe, la petite librairie "Cellar Door Books" a rejoint le mouvement voici tout juste un an.
En ce samedi matin, pas de militantisme, ni aucune référence au genre ou à la sexualité. Mais un robot cherchant à comprendre ce qu'est l'amour, des princesses, un tyrannosaure... Les deux drag queens se contentent de lire quelques livres classiques pour la jeunesse, en théâtralisant juste ce qu'il faut pour capter et retenir l'attention des enfants.
Clowns et ultra-conservateurs
"Je crois que le simple fait que nous soyons ici envoie déjà un message, qu'on peut être ce qu'on veut et que ça ne pose aucun problème", estime Athena.
Des problèmes, le jeune homme dit pourtant en avoir connu toute sa vie. "En tant que drag queen, et plus généralement en tant que gay, j'ai connu le rejet, y compris au sein de ma propre famille. J'ai grandi avec ça", reconnaît-il, regrettant de "ne pas avoir eu de modèle" auquel s'identifier.
"C'est pour ça que c'est important pour moi d'être là aujourd'hui", sourit Athena, avec cuissardes jaune citron et extravagants faux-cils charbonneux.
Athena en est déjà à son quatrième atelier et "les enfants adorent". "Tous ces trucs colorés qu'on porte, quel jeune enfant n'aime pas voir ça? Vous savez, on est comme des clowns, des +clowns en plus joli+".
La présence des drag queens dans des lectures pour enfants ne fait pas rire tout le monde.
"Drag Queen Story Hour" est régulièrement la cible de groupes ultra-conservateurs, voire d'extrême-droite, qui tentent de perturber les séances. Sur des plateaux de télévision aussi, comme la chaîne Fox News, prisée par le président Donald Trump, certains commentateurs fustigent un "mode de vie malsain", brandissant le spectre du sida et insinuant que les drag queens cherchent à pervertir la jeunesse.
"Il ne s'agit vraiment que de gens qui lisent des livres à des enfants. Il n'y a rien de plus, pas de mission cachée", insiste Elisa Thomas, 26 ans, vendeuse à la librairie "Cellar Door Books", où elle a eu l'idée d'organiser ces lectures. Elle-même homosexuelle, la jeune femme a enrôlé, à titre gracieux, certains de ses amis drag queens dans le projet.
"J'adore leurs tenues!"
La librairie de Riverside n'a pas échappé aux campagnes haineuses sur internet et a déjà dû faire face à l'intrusion d'une extrémiste chrétienne lors d'une séance. Puis la propriétaire a essuyé des insultes antisémites et des menaces sur les réseaux sociaux.
Mais cette publicité involontaire a finalement attiré davantage d'amateurs, dont certains sont prêts à parcourir une centaine de kilomètres.
C'est le cas de Melissa, une maman venue avec ses deux filles qui "aiment les drag queens, une source d'inspiration pour elles". "Je veux qu'elles puissent voir des gens qui s'affirment pour ce qu'ils sont (...) Nous habitons dans le désert, il n'y pas ça près de chez nous", assure-t-elle.
"C'est cool qu'elles ne laissent pas les autres leur dire comment être", dit sa fille Waverly, 10 ans. Mais c'est surtout leur look qu'elle admire: "J'adore vraiment leurs tenues!"
Joshua, 7 ans, visitait par hasard la librairie avec sa mère Rochelle au moment de la lecture et tous deux ont décidé de rester par curiosité.
Particulièrement concentré pendant la séance, le garçon a trouvé ça "marrant", sans plus. "J'ai bien aimé l'histoire du T-Rex", confie-t-il à l'AFP, qui n'en tirera pas davantage.
Pari gagné pour les drag queens? "Il raffole des histoires. Ca aurait été un astronaute ou un policier qui lisait, je crois que ça n'aurait pas fait beaucoup de différence pour lui", s'amuse sa maman.
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