Sous un soleil de plomb et une forte chaleur, une foule massive a commencé à sillonner en début d'après-midi les rues du centre d'Alger, au milieu de très nombreux policiers en uniforme et en civil, selon un journaliste de l'AFP.
Une centaine de fourgons de police --bien plus que d'habitude-- sont garés dans le centre de la capitale algérienne depuis le début de la matinée, ainsi que des canons à eau et des bulldozers antibarricades. Les véhicules sont restés en place après le début du défilé.
Même après le début de la marche, la police a continué de cibler les porteurs de symboles berbères, notamment de drapeaux, conformément aux instructions données la semaine précédente par le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, devenu l'homme fort du pays depuis que la contestation a poussé le président Abdelaziz Bouteflika à la démission le 2 avril.
Des policiers ont notamment fait usage de sprays lacrymogènes pour se replier après être allés arrêter un porteur de drapeau berbère au milieu de la foule, provoquant la colère des manifestants. Ceux-ci ont été calmés par les habituels bénévoles chargés de faire respecter le mot d'ordre pacifique de la protestation.
A Alger, 18 manifestants arrêtés en possession de drapeaux berbères lors de la dernière manifestation hebdomadaire vendredi 21 juin ont été inculpés d'"atteinte à l'unité nationale", infraction passible de 10 ans d'emprisonnement, et placés en détention provisoire.
Plusieurs autres, dont deux étudiants arrêtés mardi à Alger, ont été inculpés des mêmes chefs et placés sous contrôle judiciaire.
"la peur est derrière nous"
Depuis plusieurs semaines, la police mène chaque vendredi matin, avant que la foule ne soit trop nombreuse, des arrestations à Alger, sans motif apparent.
Vendredi, elle a procédé dans la capitale à de très nombreux contrôles d'identité et une dizaine de personnes ont été arrêtées et embarquées dans des fourgons, sans qu'il soit possible d'en déterminer les raisons, selon ce journaliste.
Sur les réseaux sociaux, des journalistes algériens ont également fait état dans la matinée d'actions de la police pour empêcher des petits groupes de s'agglomérer, ainsi que d'une intervention pour disperser une tentative de sit-in dans une rue du centre.
Ahmed, manifestant de 54 ans, s'est dit "impressionné par le nombre de policiers". "Je n'ai jamais vu ça. Ils veulent nous faire peur, mais ils ont tort, la peur est (désormais) derrière nous", a-t-il assuré à l'AFP.
Vendredi, "c'est pas le drapeau amazigh (berbère) qui est recherché, mais c'est le +hirak+ (mouvement) qu'ils (...) veulent étouffer, restons pacifiques et mobilisés", a lancé sur Twitter Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH).
Instrumentalisation?
Durant la semaine, le général Gaïd Salah, qui fut durant 15 ans un pilier de la présidence Bouteflika (1999-2019), a appelé les Algériens à "comprendre" les décisions de l'armée, alors que les manifestants réclament chaque semaine que le chef d'état-major "dégage" et exigent un "Etat civil, pas militaire".
Le commandement de l'armée rejette invariablement les revendications des manifestants: l'instauration d'instances de transition débarrassées de tous les anciens fidèles d'Abdelaziz Bouteflika et chargées de réformer le pays avant la tenue d'une présidentielle.
Jeudi, le général Gaïd Salah a accusé les partisans d'une telle transition de vouloir protéger les anciens responsables politiques et hommes d'affaires liés à Bouteflika, visés par les nombreuses enquêtes pour corruption récemment ouvertes.
Plusieurs d'entre eux ont été écroués, dont deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia, trois fois chef du gouvernement de M. Bouteflika entre 2003 et 2019, et Abdelmalek Sellal (2012-2017).
Des figures de la contestation et des observateurs s'inquiètent d'une possible instrumentalisation de la justice au profit de luttes de clan au sommet et réclament que ce soit le futur pouvoir élu qui mène à bien les enquêtes sur la présidence Bouteflika.
"Ceux qui veulent instaurer des phases de transition (...) veulent protéger la corruption en reportant la lutte lancée contre elle", a accusé le général. Il a réitéré n'avoir aucune ambition politique tout en réaffirmant implicitement que l'armée resterait aux commandes tant qu'un nouveau président ne serait pas élu.
L'annulation de la présidentielle du 4 juillet place le pouvoir intérimaire dans une situation délicate, la Constitution prévoyant que le président par intérim Abdelkader Bensalah rende les rênes du pays à un président élu d'ici le 9 juillet, un délai trop court pour organiser un nouveau scrutin.
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