La commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) a adopté mercredi un avis définitif sur le sujet, qui ne doit être rendu public que vendredi matin.
Selon le journal Libération, cet avis prône la fin du remboursement des produits homéopathiques faute d'efficacité prouvée, comme le concluait déjà un avis provisoire rendu mi-mai.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a affirmé à plusieurs reprises qu'elle suivrait l'avis de la HAS pour la décision finale.
"Je n'ai pas reçu l'avis de la Haute autorité de santé. Aujourd'hui mon urgence est de gérer la canicule et son impact, je pense que la décision peut attendre encore quelques jours", a-t-elle toutefois déclaré jeudi matin sur France 2.
"Les décisions sur le déremboursement des médicaments peuvent se prendre quelques jours ou quelques semaines après l'avis de la Haute autorité de santé", a-t-elle poursuivi.
"Je rappelle que pour les médicaments anti-Alzheimer (déremboursés en août 2018, ndlr) la décision a été prise pratiquement un an après l'avis" de la HAS, a souligné la ministre.
Des propos qui laissent les anti-homéopathie dubitatifs.
"Je ne vois pas l'intérêt de solliciter l'avis de la HAS, d'avoir une conclusion qui semble claire, même si l'avis n'est pas encore public, et de tergiverser. Ça n'a pas grand sens", assure à l'AFP le cardiologue Jérémy Descoux, président du collectif Fakemed.
Ce collectif a été créé par les 124 médecins auteurs en mars 2018 d'une tribune véhémente contre l'homéopathie et d'autres "médecines alternatives". C'est sa publication qui a relancé le débat sur le déremboursement.
"Les données scientifiques sont sans ambiguïté: on sait depuis des décennies que l'homéopathie ne fonctionne pas. Si une décision contraire (au déremboursement) devait être prise, elle serait motivée par d'autres éléments que les éléments scientifiques", a-t-il poursuivi.
"Capitalisme de connivence"
De fait, les pro-homéopathie ont investi depuis plusieurs semaines le terrain politique en tentant de mobiliser leurs troupes.
Labos, homéopathes et usagers ont lancé la campagne "Mon homéo, mon choix", avec une pétition qui revendique plus d'un million de signatures, et ont appelé à des manifestations à Paris et à Lyon vendredi matin.
Ils ont reçu le soutien de plusieurs élus de poids, dont le maire de Lyon Gérard Collomb.
Le laboratoire leader mondial de l'homéopathie, Boiron, a son siège dans la région lyonnaise, et assure qu'un déremboursement mettrait en péril 1.000 de ses emplois (plus 300 chez les deux autres labos, Weleda et Lehning).
Baser la décision finale sur ces considérations-là relèverait d'un "capitalisme de connivence", fait valoir le Dr Descoux.
"Notre système de santé est limité, on n'a pas des millions ou des milliards, ajoute-t-il. Il faut choisir: est-ce qu'on préfère financer les urgences ou donner de l'argent au groupe pharmaceutique de la famille Boiron?"
L'an dernier, le remboursement de l'homéopathie a représenté 126,8 millions d'euros sur un total d'environ 20 milliards pour l'ensemble des médicaments remboursés, selon l'Assurance maladie.
Les adversaires de l'homéopathie soulignent que cela représente près du double de l'enveloppe de 70 millions promise par le gouvernement pour tenter de résoudre la crise des urgences.
De son côté, Boiron a demandé jeudi matin la suspension de son titre à la Bourse de Paris, après la fuite dans la presse de l'avis définitif de la HAS.
Cet avis "a été porté à la connaissance du public, avant même qu'il ne soit communiqué aux Laboratoires Boiron", qui n'en avaient "toujours pas eu communication" jeudi matin, a déploré le groupe dans un communiqué. Il a dénoncé "une nouvelle violation des règles de cette procédure d'évaluation qui nuit gravement à l'entreprise, ses salariés et ses actionnaires".
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