Mais après un périple de 3.200 km, les eaux boueuses du Rio Bravo, ou Rio Grande selon la terminologie américaine, frontière naturelle entre le Mexique et les États-Unis, ont brisé leurs espoirs.
Tania a vu comment Oscar et Valeria ont été emportés dimanche par les eaux du fleuve. Elle n'a revu leurs corps que lundi matin.
Les pompiers et les sauveteurs mexicains les ont trouvés près de la rive, deux corps flottants sur le ventre, enlacés dans une étreinte protectrice qui a ému le monde entier.
L'image est devenu un symbole du drame de la migration illégale vers les États-Unis.
Mais le premier acte de cette tragédie s'est joué en Amérique centrale, comme pour beaucoup de migrants fuyant la pauvreté et la violence dans leur pays pour un exil vers le nord.
Oscar était cuisinier dans une pizzeria de San Salvador. Avec Tania, ils en avaient assez de la pauvreté et des gangs criminels qui terrorisaient leur quartier.
"Ils ont eu ce rêve américain, de parvenir à une vie meilleure", a raconté par téléphone à l'AFP Rosa Ramirez, la mère d'Oscar, qui réside à San Salvador.
Le 3 avril, ils ont décidé de quitter leur pays, sans visa mais avec une route précise en tête vers les Etats-Unis. Selon les autorités, environ 200 Salvadoriens ont fait comme eux ce jour-là.
La traversée du Mexique
La jeune famille a traversé le Guatemala jusqu'à atteindre le fleuve Suchiate, qui délimite la frontière avec le Mexique.
Ils sont restés environ deux mois aux abords de Tapachula au Chiapas (sud), le temps d'obtenir un permis migratoire de la part des autorités mexicaines. Selon un document consulté par l'AFP, Tania avait obtenu un visa humanitaire.
Depuis le début de la crise migratoire, le gouvernement mexicain a fourni divers documents, des permis de travail limités aux seuls Etats du sud du Mexique et des visas humanitaires permettant parfois de circuler sur tout le territoire.
Avec ces papiers en poche, la famille a décidé de parcourir les 1.800 km séparant Tapachula de Matamoros à la frontière américaine. Durant ce long périple, ils étaient accompagnés d'un compatriote, Milton Paredes Menjivar, âgé de 19 ans.
Selon Paredes, ils ont atteint Matamoros samedi dernier et ont passé la nuit dans un hôtel. Vers 8 heures du matin dimanche, ils ont pris un taxi pour se rendre au bureau des migrations situé sur le "Puente Nuevo", un des quatre points de passage permettant d'accéder à Brownsville, au Texas.
Ils souhaitaient déposer une demande d'asile aux Etats-Unis au milieu de quelque 200 personnes. Mais le bureau était fermé, ils devaient attendre jusqu'à lundi.
Frustrés, ils sont allés manger pour "passer le temps", selon Paredes, et c'est à ce moment-là qu'ils ont décidé de traverser illégalement la rivière.
Vaincu par la fatigue
Le lieu choisi était situé dans le "Paseo del Rio", un parc récemment créé, fréquenté des joggers et des promeneurs, proche de maisons et de commerces, à environ 500 mètres du pont.
Trente ans auparavant, l'endroit était isolé et envahi par la végétation, et de nombreux migrants y traversaient le fleuve illégalement.
Le Rio Bravo semble calme dans cette zone. Une trentaine de mètres sépare les deux rives. Il est peu profond, environ deux mètres, mais très périlleux.
Les courants "sont très dangereux et il y a beaucoup de tourbillons dans le fond et de nombreuses branches", explique Humerto Salazar, responsable de la protection civile à Matamoros.
Les quatre Salvadoriens ont tenté de traverser en deux groupes. Oscar s'est engagé le premier, portant Valeria, qu'il avait glissée sous son T-shirt, sur son dos tandis que Paredes aidait Tania.
La jeune femme a raconté qu'Oscar et Valeria avaient presque atteint l'autre rive, quand Oscar a été emporté, exténué, alors qu'un vent violent soufflait. Tania et Paredes ont aussitôt rebroussé chemin avant d'aller prévenir les autorités mexicaines
Les corps ont refait surface lundi vers 10 heures du matin.
Carlos Alberto, le frère aîné d'Oscar qui vit aux États-Unis, espérait les accueillir et les aider à leur arrivée. Il regrette qu'ils n'aient pas écouté ses conseils de suivre la voie légale et demander l'asile.
"Ne prend pas le risque de traverser la rivière avec une petite fille, c'est très dangereux, ce fleuve est meurtrier" se souvient-il lui avoir dit.
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