Le tribunal administratif de Montreuil, qui avait examiné le recours en mai, retient que "l'Etat a commis une faute du fait de l'insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l'air pour remédier au dépassement, entre 2012 et 2016, dans la région Ile-de-France, des valeurs limites de concentration de certains gaz polluants".
En revanche, la requête des deux femmes a été rejetée, le tribunal ayant estimé que le lien de causalité entre leurs maladies et l'insuffisance des mesures prises n'était pas "directement" établi au vu des pièces produites.
"Pour les victimes de la pollution de l'air, c'est une première", s'est toutefois félicité leur avocat, François Lafforgue. "Dorénavant, l'Etat devra prendre des mesures efficaces en matière de lutte contre la pollution de l'air et les victimes peuvent espérer obtenir la reconnaissance de leur préjudice", a-t-il dit à l'AFP.
"C'est une décision historique, on attend ça depuis 20 ans, je suis très ému", a ajouté Nadir Saïfi, d'Écologie sans frontière, association qui soutient les deux requérantes. "La grande victoire c'est que le principe de droit est acquis".
Pendant des années, Farida, 52 ans, et sa fille ont vécu à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) près du périphérique. Elles souffrent alors de problèmes respiratoires, bronchites à répétition, crises d'asthme, "accentués" lors des pics. Depuis, elles ont déménagé à Orléans et leur état de santé s'est amélioré.
Elles avaient assigné l'Etat pour "carence fautive", estimant que les autorités n'avaient pas pris de mesures "efficaces" pour réduire la pollution atmosphérique, en particulier lors du sévère pic de décembre 2016, inédit depuis 10 ans en France en terme de longueur et d'intensité.
Une cinquantaine de recours
Dans son jugement, le tribunal "constate que les seuils de concentration de certains gaz polluants ont été dépassés de manière récurrente entre 2012 et 2016 dans la région Ile-de-France", précise le communiqué de la juridiction. "Il en déduit que le plan relatif à la qualité de l'air pour l'Ile-de-France (...) ainsi que ses conditions de mise en œuvre, sont insuffisants au regard des obligations" fixées notamment par des directives européennes et transposées dans le code de l'environnement.
En revanche, le tribunal estime que le préfet de police n'a pas commis de faute dans la gestion du pic de fin 2016, car il a pris des mesures, notamment en mettant en place la circulation alternée "à deux reprises".
Concernant le rejet de la demande d'indemnisation - les deux femmes réclamaient 160.000 euros de dommages et intérêts -, leur avocat a indiqué à l'AFP réfléchir à faire appel de la décision. "On peut consolider le dossier, a-t-il dit. En tout cas, ça n'obère pas les chances de succès pour d'autres victimes. Bien au contraire, la porte est ouverte pour d'autres à une indemnisation."
Selon les associations, une cinquantaine de recours ont été déposés par d'autres victimes de la pollution de l'air à Paris, Lille ou Grenoble.
Jeudi, trois dossiers doivent être examinés par le tribunal administratif de Paris. Parmi eux, celui de Clotilde Nonnez, une Parisienne de 56 ans, figure de proue de ces requérants.
Selon l'agence Santé Publique France, la pollution aux particules fines entraîne par an 48.000 morts prématurées dans le pays
Basées sur des valeurs fixées par Bruxelles, l'exposition aux principaux polluants (particules fines, ozone, benzène, dioxyde d'azote et dioxyde de souffre) ne doit pas dépasser certaines concentrations, sur un jour et sur l'ensemble de l'année.
Mais, si la situation s'est globalement améliorée depuis 15 ans, ces normes sont régulièrement dépassées dans les grandes villes ou dans des bassins industriels.
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