Les derniers troubles en date se sont produits samedi dans l'Amhara, une des neuf régions autonomes d'Ethiopie, où "un commando de tueurs" a attaqué une réunion de hauts responsables, ont déclaré dimanche les services du Premier ministre.
Le président de la région, Ambachew Mekonnen, et un autre haut responsable "ont été grièvement blessés et ont succombé à leurs blessures" infligées lors d'une attaque dirigée par le chef de la sécurité de l'Amhara, a précisé à la presse la porte-parole du chef du gouvernement, Billene Seyoum, qui a évoqué "une tentative de coup d'Etat" régional.
"Plusieurs heures plus tard, dans ce qui semble avoir été une attaque coordonnée, le chef d'état-major des forces armées éthiopiennes, Seare Mekonnen, a été tué par son garde du corps à son domicile" d'Addis Abeba, la capitale, toujours selon la porte-parole. Un général à la retraite qui lui rendait visite a également été abattu.
Tentatives de réformes
Le garde du corps a été arrêté mais le chef de la sécurité de l'Amhara, Asaminew Tsige, est en fuite, selon d'autres sources. M. Asaminew avait été libéré de prison en 2018 après avoir été arrêté pour un présumé complot remontant à 2009.
Samedi soir, le gouvernement éthiopien avait annoncé qu'une tentative de "coup d'Etat" avait été perpétrée par un "groupe armé" en Amhara, la deuxième région la plus peuplée du pays, sans fournir de détails.
L'ambassade des Etats-Unis à Addis Abeba a lancé des alertes, recommandant à son personnel de se mettre à l'abri après des informations faisant état de tirs dans la capitale et de violences en Amhara.
Un journaliste présent à Bahir Dar, capitale de l'Amhara, a dit à l'AFP que des coups de feu y avaient été entendus samedi soir et s'étaient poursuivis plusieurs heures avant de se calmer.
Internet était coupé en Ethiopie et peu d'informations supplémentaires étaient disponibles.
Mais pour les analystes, ces évènements illustrent la gravité de la crise qui secoue le pays où le Premier ministre Abiy, arrivé au pouvoir l'an dernier, a entrepris des réformes dans ce pays longtemps gouverné par un régime autoritaire mais se heurte à des difficultés.
"Ces incidents tragiques démontrent malheureusement la profondeur de la crise politique en Ethiopie. Il est aujourd'hui critique que les acteurs sur la scène nationale n'aggravent pas l'instabilité en réagissant de manière violente ou en tentant d'exploiter la situation à leurs propres fins politiques", a déclaré un analyste du centre de recherches International Crisis Group (ICG), William Davison.
Deuxième pays le plus peuplé du continent avec environ 100 millions d'habitants, l'Ethiopie possède l'économie la plus dynamique d'Afrique de l'Est. Mais elle reste l'un des pays les plus pauvres au monde, avec un revenu annuel moyen par habitant de moins de 800 dollars.
- Tensions interethniques -
L'Amhara, sur les hauts plateaux, est la terre d'un peuple du même nom et le lieu de naissance de nombreux empereurs du passé.
Les Amharas représentent le deuxième groupe ethnique de l'Ethiopie après les Oromos et ces deux ethnies ont été à l'avant-garde de deux ans de grandes manifestations qui ont provoqué la chute de l'ancien Premier ministre Hailemariam Desalegn.
Son successeur, M. Abiy, un Oromo, au pouvoir depuis avril 2018, s'est efforcé de démocratiser le pays.
Il a notamment légalisé des groupes dissidents, amélioré la liberté de la presse et limité les atteintes aux droits de l'homme en faisant arrêter des dizaines de responsables de l'armée et des services de renseignement.
Il s'est également lancé dans un programme de réformes économiques et a fait la paix avec l'Erythrée voisine après plus de vingt ans de conflit.
Mais cette libéralisation a aussi permis l'expression de mécontentements.
Le Premier ministre doit faire face à des tensions interethniques récurrentes, généralement liées à la possession des terres et à l'utilisation des ressources.
Plus d'un million de personnes ont été déplacées par ces violences, que les analystes attribuent également à l'affaiblissement du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), le parti au pouvoir autrefois tout-puissant, et à divers groupes qui profitent de la phase actuelle de transition politique pour essayer d'imposer leurs intérêts.
Au cours des derniers mois, des dizaines de personnes ont été tuées dans des violences entre habitants des Etats de Benishangul Gumuz et Amhara.
En juin 2018, une attaque à la grenade contre un meeting auquel participait M. Abiy avait fait deux morts. Le procureur général avait incriminé un officier de renseignement non identifié.
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