Depuis mercredi, environ 5.000 activistes ont établi un immense "camp climatique" dans la Ruhr, entre entraînement aux techniques anti-arrestation, ambiance de festival et utopie écologiste, à une trentaine de kilomètres du site d'extraction de Garzweiler.
Autosuffisant, vegan, doté d'un hôpital, d'un cinéma en plein air, d'une boulangerie et d'une crèche, ce village éphémère monté par l'organisation Ende Gelände permet d'initier sur le tas les nombreux militants novices à la "désobéissance civile", hors la loi mais en principe non violente.
Dès l'aurore, ils devront forcer à pied les nombreux barrages de police pour déferler, en combinaison blanche et visage souvent masqué, dans les immenses travées de cette mine de lignite, un charbon brun bon marché et très polluant exploité sur de vastes surfaces par le groupe RWE.
Si Ende Gelände occupe cette mine chaque année depuis 2015, l'opération prend cette fois un relief particulier: non seulement le nombre de participants va croissant, mais ils sont pour la première fois appuyés par le jeune mouvement Fridays for Future, dans une rare convergence entre action légale et illégale.
"Aller plus loin"
Peu après le blocage de Garzweiler attendu dans la matinée, 20.000 collégiens, lycéens et étudiants sont attendus à 10H00 GMT pour une "manifestation européenne" à Aix-La-Chapelle, à quelques dizaines de kilomètres, suivie le lendemain d'un "soutien" direct aux occupants de la mine.
Et dès jeudi, ces militants souvent mineurs, assidus dans la rue depuis des mois, étaient déjà très présents sur le camp d'Ende Gelände et y recevaient des consignes de sécurité spécifiques. Beaucoup d'entre eux confiaient vouloir rester "derrière les lignes" plutôt que de courir au fond de la mine.
"Moi j'ai toujours été une citoyenne modèle, je n'ai jamais transgressé la loi. Mais le fait est que cela ne changera pas si nous ne faisons rien maintenant, et je suis là (...) pour aller plus loin", explique cependant Döerthe, 19 ans, qui s'est choisi comme tous les participants un "nom de guerre".
Depuis jeudi, les militants se préparent à camper par "groupes affinitaires" d'une dizaine de personnes, qui partagent la même endurance physique et mentale et se sont fixé les mêmes limites, en attendant le top départ dans la nuit via des moyens de communication cryptés ou discrets.
Entre corvées d'épluchage et de sanitaires, ils ont passé en revue auprès des formateurs aguerris d'Ende Gelände tous les scénarios: arrestation, blessure, crise de panique, et même échec de la tentative de blocage.
Abandon du charbon
Si la moyenne d'âge ne dépasse pas trente ans, certains vétérans ont été de toutes les manifestations écologistes et occupations illégales depuis des décennies, notamment celles de sites nucléaires avant que l'Allemagne ne décide en 2011 de sortir de l'atome avant 2022.
La chancelière Angela Merkel "maintient une politique qui prive littéralement les jeunes de leur avenir, mais ces jeunes sont en train de prendre le pouvoir. Ils ont des forces que je n'ai plus", dit d'une voix nouée d'émotion Günter Wimmer, 76 ans, venu de Munich en combinaison, appuyé sur sa canne.
Mais le renoncement au nucléaire a prolongé la dépendance du pays au charbon, source d'une énergie plus prévisible, meilleur marché et plus facile à acheminer que l'éolien ou le solaire, et qui représente encore près de 40% de sa production d'électricité.
Le gouvernement allemand vient seulement de décider son abandon d'ici 2038, échéance jugée trop lointaine par les activistes, et dépourvue pour l'heure d'un calendrier précis pour fermer mines et centrales.
"La crise climatique est déjà là, nous le voyons tous les jours au quotidien. Notre but est de stopper physiquement, de nos corps, les moyens de production économique qui en sont responsables", explique à la presse Nike Malhaus, porte-parole d'Ende Gelände.
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