"Une amitié irremplaçable, même pour des millions"... A la veille de son arrivée à Pyongyang, Xi Jinping en personne avait pris la plume pour célébrer l'alliance de la Chine avec son petit voisin, dans un texte publié par le principal quotidien nord-coréen.
Le président chinois a décollé mercredi de Pékin par avion pour se rendre en Corée du Nord, accompagné de sa femme et de son ministre des Affaires étrangères Wang Yi, a annoncé la télévision d'Etat CCTV.
Alors que le président américain promet un développement économique fabuleux à la Corée du Nord si elle accepte de renoncer à son programme nucléaire, son homologue chinois entend rappeler, à l'occasion de sa visite d'Etat, le rôle incontournable de son pays, qui absorbe 90% du commerce de Pyongyang.
La visite, qui s'achèvera vendredi, est la première d'un président chinois depuis 2005. Elle devrait accorder une large place à l'histoire et à l'intervention de la Chine dans la guerre de Corée (1950-53), qui devait sauver le régime de Kim Il Sung, grand-père de l'actuel numéro un Kim Jong Un. L'ennemi commun n'était autre que les Etats-Unis.
Les premières années au pouvoir de Kim Jong Un n'ont pourtant pas été faciles pour Pékin: la Chine a appliqué les sanctions internationales destinées à forcer Pyongyang à abandonner son programme nucléaire, provoquant la colère de son voisin.
Conséquence: Kim Jong Un, arrivé au pouvoir à la mort de son père fin 2011, a attendu 2018 pour se rendre pour la première fois en Chine et rencontrer enfin Xi Jinping, aux manettes à Pékin depuis 2012. Au total, les deux hommes se sont rencontrés à quatre reprises l'an dernier.
"Un grand projet"
Une réconciliation qui semble avoir été précipitée par le rapprochement entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, symbolisé par l'historique sommet Trump-Kim de Singapour en juin 2018: Pékin redoute de voir son allié tomber dans le camp américain, tandis que Pyongyang a besoin des Chinois pour faire le poids face à Washington.
Pour la Corée du Nord, le sommet Kim-Xi "va servir à montrer aux Etats-Unis qu'elle a le soutien de la Chine et à leur dire qu'ils doivent cesser leur politique de pression maximale", observe Lim Eul-chul, professeur à l'Université Kyungnam en Corée du Sud.
La conjoncture pour Pékin est plutôt bonne: le deuxième sommet Trump-Kim en février à Hanoï n'a rien donné et les deux pays restent bloqués sur la question de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Washington exige qu'elle intervienne avant la levée des sanctions internationales, ce que Pyongyang refuse.
Dans sa tribune publiée par le quotidien Rodong Sinmun, Xi Jinping annonce que Pékin "est prêt à dessiner un grand projet pour parvenir à la stabilité définitive de la région, via un effort conjoint avec nos camarades nord-coréens".
Mélange des genres
Comme pour afficher son soutien à son allié, la Chine, imitée par la Russie, a bloqué mardi à l'ONU une initiative américaine visant à bloquer les livraisons de pétrole raffiné à la Corée du Nord. Washington estime que Pyongyang reçoit des livraisons clandestines d'essence en haute mer et a dépassé son quota alloué pour 2019.
Le président chinois a lui aussi maille à partir sur un autre sujet avec son homologue américain qu'il retrouvera la semaine prochaine au Japon à l'occasion d'un sommet du G20: la guerre commerciale sino-américaine.
Mais Yongwook Ryu, spécialiste des relations internationales à l'Université nationale de Singapour, estime que M. Xi ferait "une grave erreur" s'il tentait d'utiliser le dossier nord-coréen dans ses négociations commerciales avec Donald Trump.
Cela étant, "si Xi peut faire pression sur la Corée du Nord pour l'encourager à dénucléariser, ce serait une carotte pour Trump, et il pourrait peut-être obtenir en échange des concessions" de la part du président américain, suppose l'analyste.
Interrogé sur l'hypothèse d'un tel mélange des genres, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lu Kang, a estimé que "ceux qui ont des idées pareilles réfléchissent trop".
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