Après plusieurs mois de manifestations qui ont mené à la destitution par l'armée du président Omar el-Béchir le 11 avril, le Soudan est toujours le théâtre d'un bras de fer entre le Conseil militaire et les principales forces de la contestation.
Les négociations entre les deux parties qui doivent dessiner l'avenir du pays sont suspendues depuis le 20 mai, chaque camp voulant prendre la tête d'une future instance de transition.
Mercredi, le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burhane, a appelé l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, mais aussi "toutes les forces politiques" à accepter des négociations "sans poser de conditions".
"La situation du pays ne permet pas de rester sans gouvernement. Pour qu'il n'y ait pas de coup d'Etat, venez" négocier, a-t-il poursuivi.
Avant la suspension des pourparlers, le Conseil militaire s'était mis d'accord avec les chefs de la contestation sur une période de transition de trois ans, suivie par la transmission du pouvoir à une administration civile.
Les meneurs de la contestation restent fermes sur plusieurs points sur lesquels ils s'étaient déjà mis d'accord avec les généraux au pouvoir avant l'interruption des négociations.
Parmi ces conditions, il y a notamment le fait que les deux tiers du Parlement de transition doivent être réservés à l'ALC.
Le 11 juin, un représentant de la médiation éthiopienne, a annoncé que le Conseil militaire et la contestation avaient accepté de revenir prochainement à la table des négociations. Aucune date n'a toutefois été fixée.
"Nous avons accepté la médiation éthiopienne et nous avons posé un certain nombre de conditions avant la reprise des négociations, en particulier le respect de ce qui a été convenu par le passé", a souligné lundi un leader du mouvement de contestation, Mohammed Naji al-Assam, lors d'une conférence de presse.
La tension entre contestation et généraux au pouvoir était montée d'un cran le 3 juin, quand des hommes armés en tenue militaire ont dispersé un sit-in devant le QG de l'armée dans la capitale Khartoum.
Les manifestants y campaient depuis des semaines pour faire pression sur les militaires et réclamer un transfert du pouvoir aux civils.
Au moins 128 personnes ont été tuées dans l'opération et la répression qui s'est poursuivie les jours suivants, selon des médecins proches de la contestation. Les autorités ont évoqué un bilan de 61 morts.
"Reconstruire la confiance"
Le Conseil militaire a regretté des "erreurs qui se sont produites" lors de la dispersion, assurant ne pas l'avoir ordonnée et que l'objectif de l'opération était tout autre.
Le drame a provoqué un tollé international, poussant l'ONU, les Etats-Unis, et les mouvements de la contestation à réclamer une enquête indépendante.
"Le Conseil militaire a la responsabilité" d'adopter les mesures nécessaires pour "reconstruire la confiance qui ouvrirait la voie à une transition civile", a estimé l'ambassadeur de Grande-Bretagne Irfan Siddiq, dans un entretien à l'AFP.
Au lendemain de la dispersion du sit-in, le général Burhane avait annoncé l'annulation de toutes les mesures sur lesquelles les deux camps s'étaient déjà mis d'accord.
Le Conseil militaire s'était ensuite dit ouvert à des négociations "sans restriction", une offre de dialogue rejetée par les meneurs de la contestation, qui ont alors lancé une campagne de désobéissance civile de trois jours jusqu'au 11 juin.
La crise économique au Soudan et une décision gouvernementale de tripler le prix du pain ont été à l'origine des premières manifestations en décembre contre le régime de Béchir, destitué après trois décennies au pouvoir.
Selon des experts, les Emirats, l'Egypte et l'Arabie saoudite semblent soutenir les généraux tandis que Washington plaide pour une transition menée par les civils.
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