L'étude réalisée par l'institut de sondage américain Gallup pour l'ONG médicale britannique Wellcome est la première du genre: 140.000 personnes de plus de 15 ans, dans 144 pays, interrogées l'an dernier sur ce qu'ils pensent de la science, des professionnels de santé et des vaccins.
Les habitants des pays riches font le moins confiance aux vaccins, particulièrement en Europe. Un phénomène à mettre en parallèle avec le développement du sentiment anti-vaccins, considéré comme l'un des facteurs du retour de la rougeole dans des pays développés.
L'écart est flagrant avec le Bangladesh ou le Rwanda, où la quasi-totalité de la population dit avoir confiance dans les vaccins.
"Dans ces pays-là, il y a plus de maladies contagieuses, et leurs habitants voient sans doute ce qu'il se passe lorsqu'on n'est pas vacciné", explique à l'AFP Imran Khan, qui a mené l'étude pour Wellcome.
"Aux États-Unis et en France, lorsqu'on n'est pas vacciné, on a moins de risque de tomber malade (...) et quand on est contaminé, on risque moins de mourir", poursuit-il en appelant cela "l'effet de laisser-aller".
Dans cette attitude de méfiance, la France est suivie par le Gabon, le Togo, la Russie et la Suisse. Le rejet est un peu moindre (19%) quand on demande aux Français s'ils croient les vaccins "efficaces".
Des éléments propres à la France expliquent cette défiance, déjà apparue dans des études précédentes.
"Un certain nombre de scandales sanitaires ont affaibli la confiance des citoyens", dit à l'AFP le professeur français Alain Fischer, responsable d'un rapport de recommandations sur les vaccins en 2016.
Ces scandales sont ceux du Mediator, médicament tenu pour responsable de centaines de morts, et du sang contaminé (la découverte au début des années 90 de nombreuses contaminations au virus du sida après des transfusions sanguines).
"Fausses nouvelles"
Au-delà de ces scandales bien réels, une large campagne de vaccinations contre l'hépatite B en 1994 a fait naître des soupçons de lien avec la sclérose en plaques. Après plus de 17 ans d'enquête, les juges d'instruction parisiens ont rendu un non-lieu en mars 2016. Motif: l'absence de "causalité certaine", sur laquelle insistent les scientifiques.
Autre "erreur" des pouvoirs publics, selon le Pr Fischer: la campagne de vaccination de masse contre la grippe A/H1N1 fin 2009, surdimensionnée.
"Il faudra des efforts de pédagogie à long terme pour contrecarrer cette défiance alimentée par des flots de fausses nouvelles" sur internet, prédit-il.
De fait, la vaccination prête particulièrement le flanc aux "théories complotistes", note le directeur de Conspiracy Watch, Rudy Reichstadt.
Cet observatoire a publié en février une étude sur le complotisme en France, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès. 43% des sondés approuvaient cette phrase: "Le ministère de la Santé est de mèche avec l'industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins".
"Sur dix théories complotistes (concernant aussi l'accident de Lady Di ou le 11-Septembre), celle sur les vaccins était la seule où il y avait plus de gens d'accord que pas d'accord", assure M. Reichstadt à l'AFP.
Pour autant, tous ceux qui se méfient des vaccins ne sont pas des complotistes.
"Les hésitants, la masse, qui ne sont pas les anti-vaccins militants, (...) sont en déficit d'information", souligne surtout le Pr Fischer, en insistant sur l'importance "des explications et de l'accompagnement" à fournir.
Selon les autorités sanitaires françaises, cela commence d'ailleurs à porter ses fruits, depuis le passage de trois à onze vaccins obligatoires pour les enfants nés après le 1er janvier 2018.
Un sondage publié en avril montre que 91% des parents d'enfants de moins de deux ans pensent que la vaccination est importante, soit cinq points de plus qu'en juin 2018.
En outre, les pouvoirs publics soulignent que la couverture vaccinale progresse depuis l'augmentation du nombre de vaccins obligatoires.
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