Il s'agit de l'une des attaques les plus meurtrières de ce groupe jihadiste depuis des mois dans cette région.
Trois kamikazes ont fait exploser leurs charges à proximité d'un local où s'étaient massés des supporters de football dimanche soir à Konduga, à une quarantaine de kilomètres de Maiduguri, capitale de l'Etat du Borno.
A ces morts s'ajoutent "plus de 40 blessés", a indiqué à l'AFP Usman Kachalla, le chef des services de secours d'urgence du Borno. Le nombre de victimes aurait pu être moindre si les secours avaient eu un accès plus rapide à Konduga, a-t-il affirmé.
"Le manque d'infrastructures médicales appropriées pour gérer ce genre d'urgence et le temps passé à obtenir l'autorisation [de l'armée, ndlr] de se rendre [sur les lieux] depuis Maiduguri a contribué à ce lourd bilan", a expliqué M. Kachalla.
"Les gens meurent à cause du manque d'hôpital", a abondé Garba Abdullahi, un témoin. "Certains ont passé la nuit à saigner, même les médecins se plaignent qu'il n'y a pas de médicaments", a-t-il ajouté.
Sur des images de l'AFP, on peut voir des dizaines de blessés installés sur des lits, dont certains dans des draps tachés de sang, avec de nombreux bandages.
Le triple attentat a eu lieu vers 21H00 (18H00 GMT). Selon Ali Hassan, un chef de milice de la ville, le propriétaire du centre où étaient massés des fans de football et l'un des trois kamikazes "se sont violemment disputés", puis "le kamikaze s'est fait exploser". Les deux autres ont alors eux aussi déclenché leurs charges en dehors du centre, près d'une échoppe de thé.
"Neuf personnes sont mortes sur le coup", a précisé le milicien.
En une dizaine d'années, l'insurrection lancée par Boko Haram dans le nord-est du Nigeria et sa répression par l'armée ont fait plus de 27.000 morts et 1,8 million de personnes ne peuvent toujours pas regagner leur foyer. Les violences ont ensuite gagné le Niger, le Tchad et le Cameroun voisins - où une attaque dimanche dernier a fait plus de 30 morts.
Factions rivales
Si le triple-attentat n'a pour l'heure fait l'objet d'aucune revendication, il porte la marque des jihadistes de Boko Haram restés fidèles au chef historique du groupe, Abubakar Shekau.
Ces derniers, installés dans une forêt non loin de Konduga, en sortent régulièrement pour attaquer des civils. Des attaques cycliques, souligne le spécialiste du contre-terrorisme Yan St-Pierre pour qui, "si on se fie aux dernières années, Boko Haram a toujours entrepris des attaques de cette envergure à partir de la mi-juin".
En outre, ajoute le chercheur basé en Allemagne, "plusieurs sources nous affirment que le groupe est dans une position très précaire en termes de ressources et de soldats, et une attaque de cette ampleur-là est une façon d'envoyer un message, de dire qu'ils sont encore très présents".
Ces attaques souvent perpétrées par des femmes ou des jeunes filles contre des cibles civiles comme des mosquées, des marchés ou des arrêts de bus, sont la signature de cette faction de Boko Haram.
La dernière du genre remontait à la mi-avril. Deux femmes avaient alors déclenché les explosifs qu'elles portaient sur elles pour éviter d'être arrêtées par des soldats et des membres des milices qui combattent les jihadistes au côté de l'armée dans la ville de garnison de Monguno.
Une autre faction, qui a prêté allégeance au groupe Etat islamique, l'ISWAP, s'attaque, elle, à des cibles militaires.
"C'est là où ils arrivent à marquer des points" auprès des populations locales, explique M. St-Pierre. "Parce que eux font tout pour éviter des victimes civiles".
Dans la lutte qui oppose désormais ces deux factions, "ces dernière semaines, on a remarqué que la faction de Shekau a tenté de refaire son image" sans pour autant arrêter de s'en prendre aux civils, analyse également le chercheur.
"On peut donc se demander si l'on va voir dans les prochains jours une production médiatique régulière, que ce soit par des tweets, des vidéos (...) pour tenter de rivaliser avec la production médiatique d'ISWAP", ajoute-t-il.
Pour M. St-Pierre, "il est donc important dans les prochains jours de surveiller si des revendications apparaissent".
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