Shinzo Abe a été reçu dans la matinée par l'ayatollah Ali Khamenei, devenant ainsi le premier chef de gouvernement japonais à rencontrer un guide suprême iranien depuis la révolution islamique de 1979.
Le Japon est un allié clef de Washington, ennemi juré de la République islamique, et entretient traditionnellement de bonnes relations avec l'Iran.
La visite de M. Abe intervient sur fond de tensions exacerbées entre l'Iran et les Etats-Unis, nourrissant des craintes de déflagration dans le Golfe, et d'inquiétude pour l'avenir de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015, après le retrait unilatéral des Etats-Unis de ce pacte en mai 2018.
M. Abe, qui a rencontré mercredi le président Hassan Rohani, est le premier Premier ministre japonais à se rendre en Iran depuis 1978.
"Personne ne veut d'une guerre. Le Japon souhaite jouer un rôle de premier plan pour faire baisser la tension", a déclaré M. Abe mercredi après sa rencontre avec M. Rohani.
"La paix et la stabilité au Moyen-Orient sont indispensables à la prospérité non seulement de cette région, mais du monde entier", a-t-il ajouté.
Le Japon, qui importait récemment encore 5% de son pétrole en provenance d'Iran, a dû renoncer à ces achats pour se conformer aux dernières sanctions américaines visant la République islamique.
L'économie nippone est très dépendante du pétrole du Golfe et Tokyo attache une grande importance à la stabilité de ses approvisionnements en hydrocarbures.
"Réponse terrible"
M. Rohani a estimé que la "racine" des tensions dans la région était à chercher dans "la guerre économique des Etats-Unis contre l'Iran".
"Lorsque celle-ci cessera, nous verrons un changement très positif dans la région et dans le monde", a-t-il assuré.
"Nous ne déclencherons jamais une guerre, même contre les Etats-Unis, mais nous opposerons une réponse terrible si nous sommes attaqués", a néanmoins mis en garde M. Rohani, dont le pays est accusé par les Occidentaux d'exercer une influence "déstabilisatrice" au Moyen-Orient
Le président iranien a déclaré voir dans "l'intérêt du Japon à continuer d'acheter du pétrole à l'Iran et résoudre les questions financières" sur lesquelles butte Téhéran à cause des sanctions américaines, la "garantie" d'une amélioration à venir des relations déjà bonnes entre les deux pays.
Mais sur la question des ventes de pétrole iraniennes au Japon, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères japonais, Takeshi Osuga, a tenu à préciser qu'il s'agissait surtout d'"un souhait de la partie iranienne."
C'est un point qui relève "de la décision de sociétés privées" et "je ne peux pas prédire leur décision", a-t-il dit.
M. Rohani a souligné une convergence de vues avec son hôte sur la question des "armes nucléaires" : "nos deux pays sont contre", a-t-il dit.
M. Abe a dit son "profond respect pour le fait que le guide suprême l'ayatollah Khamenei ait répété la fatwa [décret religieux, NDLR] disant que '+l'arme nucléaire et les autres armes de destruction massive sont contraires à l'islam+".
Depuis la décision américaine de se retirer de l'accord de Vienne, le gouvernement du président Donald Trump a rétabli ou renforcé des sanctions économiques contre l'Iran.
Récemment, Washington a déployé d'importants moyens militaires dans le Golfe pour faire face à une présumée "menace iranienne".
Pas de "médiation"
Selon le porte-parole du gouvernement japonais, M. Abe a discuté de l'Iran au téléphone avec M. Trump mardi, mais Tokyo insiste sur le fait que le Premier ministre n'est pas venu à Téhéran pour "assurer une médiation entre l'Iran et les Etats-Unis".
Aux yeux de Téhéran, le Japon bénéficie d'une aura favorable en tant que pays ayant réussi à se moderniser sans renoncer à ses traditions et en conservant une forte identité culturelle.
La visite de M. Abe survient au lendemain de la libération par l'Iran d'un Libanais résident des Etats-Unis, Nizar Zakka, détenu depuis 2015 et condamné à dix ans de prison pour "espionnage" au profit de Washington, et deux jours après le passage à Téhéran du ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas.
Face aux conséquences de la politique américaine de "pression maximale" sur son économie, l'Iran a menacé en mai de s'affranchir progressivement de l'accord de Vienne, à moins que ses partenaires, en particulier européens, ne l'aident à contourner ces sanctions.
En présence de M. Abe, M. Rohani a néanmoins affirmé son attachement à l'accord de Vienne.
"Ma principale préoccupation est que l'Iran respecte cet accord", a déclaré M. Abe.
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