Jugés devant le tribunal correctionnel de Paris, le maire LR et la première adjointe de Levallois-Perret, commune cossue de l'ouest parisien, encourent jusqu'à dix ans de prison pour "blanchiment habituel de fraude fiscale aggravée" et autant d'inéligibilité. Lui est aussi poursuivi pour "corruption passive" et "prise illégale d'intérêts".
Jusqu'au bout, entre coups de sang et gouaille culottée, le baron des Hauts-de-Seine aura tout tenté pour n'apparaître que comme un "fraudeur passif" ayant la corruption en "horreur". Ce qu'il regrette le plus à l'issue de quatre semaines de procès, c'est sa "manie de vouloir toujours faire plaisir".
Alors qu'il a vanté une "vie à servir les autres", l'accusation reproche au couple Balkany des années de dissimulation, d'un magot en Suisse à de somptueuses propriétés aux Antilles et au Maroc, masquées par un chapelet de sociétés offshore, avec un faible pour le savoir-faire panaméen.
Patrick Balkany, 70 ans, a affronté seul l'épreuve d'un procès public et hyper-médiatisé, en l'absence d'Isabelle, 71 ans, convalescente depuis une tentative de suicide début mai.
Ils ont expliqué les débuts de leur bonne fortune par des héritages familiaux - lingots d'or et avoirs légués par son père rescapé d'Auschwitz pour lui, "petit magot" familial suisse pour elle. En aucun cas, a-t-il répété, des fonds occultes destinés à financer le RPR dans les années 1980, comme l'ont soupçonné les juges.
"Opprobre et acharnement"
Ils ont longtemps rejeté en bloc toutes les accusations. Tardivement, Isabelle Balkany avait reconnu posséder la villa Pamplemousse, petit coin de paradis acheté en 1997 à Saint-Martin. Dans une lettre lue par son avocat à l'audience, elle a de nouveau reconnu une "faute", qu'elle considère comme déjà "largement payée" par l'"opprobre" et un "acharnement" judiciaire.
En revanche, le couple a toujours nié posséder un riad dans la palmeraie de Marrakech. Et peu importent les peignoirs brodés aux initiales "PB", les livres dédicacés ou les meubles achetés par Isabelle Balkany.
Contrairement à la villa Pamplemousse, pour laquelle les enquêteurs ont démêlé un entrelacs de sociétés écrans et retrouvé le nom des Balkany, un épais nuage entoure la transaction marocaine de 2010.
Le riad est la propriété d'une SCI marocaine, Dar Guycy, elle-même détenue à 99% par une société panaméenne (Hayridge) créée par une fiduciaire suisse et dont le bénéficiaire déclaré est Jean-Pierre Aubry, ancien bras-droit de Patrick Balkany.
Plusieurs acteurs entrent en scène: M. Aubry, alors directeur général de la société d'aménagement de Levallois, et l'avocat Arnaud Claude sont jugés pour leur "rôle central" dans le complexe montage entourant l'acquisition du riad.
Le fils Balkany, Alexandre, est poursuivi pour avoir "couvert" ses parents en souscrivant des baux de location fictifs et le milliardaire saoudien Mohamed Al Jaber pour avoir payé le prix officiel du riad contre des délais avantageux dans un énorme contrat immobilier à Levallois.
A la barre, Patrick Balkany a raconté n'avoir fait que charger son "ami Jean-Pierre (Aubry)" de chercher une villa pour satisfaire un caprice du promoteur saoudien en disgrâce à Ryad, tandis que Mohamed Al Jaber, qui affirme peser entre 7 et 9 milliards de dollars, s'est insurgé contre des "mensonges" éhontés. Leur seul point d'accord: "Il n'y a ni corrupteur, ni corrompu".
Dans un premier volet portant sur le seul délit de fraude fiscale, le parquet national financier a requis mi-mai quatre ans de prison, avec mandat de dépôt, contre Patrick Balkany, deux ans ferme contre son épouse Isabelle, et dix ans d'inéligibilité contre eux deux. Alors que la justice a saisi tous ses biens, le couple n'a pas régularisé sa situation fiscale, contestant les modalités de son redressement.
Le second réquisitoire s'annonce bien plus lourd. Constamment, les bravades de l'ancien député ont suscité des froncements de sourcil des procureurs, comme de l'avocat de l'Etat, qui plaidera juste avant les représentants du PNF.
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