L'affaire Carlos Ghosn aura coûté cher aux actionnaires de Renault. Depuis l'arrestation au Japon de l'ancien patron emblématique, architecte de l'alliance avec Nissan et Mitsubishi, qu'il a hissée au premier rang automobile mondial, l'action du constructeur français évolue à ses plus bas niveaux, aux alentours de 55 euros.
En un an, le titre Renault a perdu un tiers de sa valeur.
Certes, le groupe au losange souffre comme l'ensemble du secteur d'une conjoncture internationale morose et des bouleversements technologiques qui imposent de lourds investissements dans les motorisations électriques sans garantie de rentabilité.
Mais certains actionnaires reprochent aux administrateurs de Renault de ne pas avoir suffisamment exercé leur vigilance quant à la gestion de Carlos Ghosn, dont la chute a provoqué une crise avec l'allié de 20 ans Nissan.
Plus de six mois après son arrestation pour des malversations présumées, Renault a annoncé récemment qu'il envisageait des poursuites contre l'ancien patron pour avoir engagé 11 millions d'euros de dépenses suspectes au sein d'une filiale commune avec Nissan basée aux Pays-Bas.
En France, une enquête préliminaire a par ailleurs été ouverte le 31 mai par le Parquet national financier après une plainte d'actionnaire visant l'ancienne garde des Sceaux Rachida Dati et le criminologue Alain Bauer, soupçonnés d'avoir touché des centaines de milliers d'euros par des contrats "douteux" avec cette société néerlandaise RNBV.
Nissan en difficulté
"Les administrateurs n'ont visiblement pas exercé leurs responsabilités dans l'intérêt des actionnaires (...) permettant de fait le déclenchement de la crise récente", a estimé la société de gestion Phitrust dans un communiqué diffusé la veille de l'assemblée générale qui doit commencer à 15H15 à Paris, au Palais des Congrès de la Porte Maillot.
Jean-Dominique Senard sera par ailleurs amené à s'expliquer sur sa stratégie pour l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, trois entreprises liées par des participations croisées, alors que son projet d'intégration renforcée avec Nissan, via une holding commune détenue à parité, a été rejeté au printemps par la partie japonaise.
Renault a également vu échouer un projet de mariage géant avec Fiat Chrysler (FCA) la semaine dernière, qui avait été annoncé seulement 11 jours plus tôt. Cette fusion, dite "entre égaux", devait créer le numéro 3 mondial de l'automobile et permettre à Renault de mettre la pression sur son partenaire Nissan, tout en lui offrant des perspectives de synergies renforcées.
Mais elle a échoué en raison d'un délai supplémentaire exigé par l'Etat français, premier actionnaire de Renault, qui a poussé les dirigeants de Fiat Chrysler à jeter l'éponge, estimant que les conditions politiques n'étaient pas réunies.
Les relations tendues avec Nissan depuis novembre et l'échec de ce mariage posent la question de l'avenir de Renault, un groupe qui à lui seul n'a produit "que" 3,9 millions de véhicules l'an dernier, et dont les ventes, à plus de moitié hors d'Europe, ont souffert ces derniers mois des vents contraires sur les marchés internationaux.
Renault peut-il rester seul ? Va-t-il relancer un projet d'alliance avec FCA ? L'alliance avec Nissan a-t-elle encore un avenir ? M. Senard et le directeur général Thierry Bolloré devront faire face à ces interrogations.
Le constructeur français a affiché en 2018 un résultat net de 3,3 milliards d'euros, en recul de plus d'un tiers par rapport à l'année précédente, notamment à cause des difficultés de Nissan, dont Renault détient 43% du capital. Et 2019 s'annonce bien plus difficile.
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