Avec des pneus, des briques ou même des troncs d'arbres, les manifestants se sont mis dès le matin à construire de nouveaux barrages routiers à Bahri, un quartier du nord de la capitale. Mais, rapidement, les policiers anti-émeutes sont intervenus et ont tenté de les disperser avec des tirs de gaz lacrymogènes et des coups de feu en l'air.
"Presque toutes les routes de Bahri ont des barrages. Les manifestants empêchent même les habitants d'aller au travail", a pour sa part affirmé un témoin à l'AFP.
Abattant peut-être là une de leurs dernières cartes, les chefs de la contestation ont appelé samedi à "la vraie désobéissance" civile à partir de dimanche, et averti qu'elle ne s'arrêterait qu'avec l'avènement d'un gouvernement civil, leur principale revendication depuis la chute d'Omar el-Béchir le 11 avril.
"La désobéissance civile et la grève générale sont nos moyens pacifiques pour arracher notre droit à la vie face à la barbarie des milices", a déclaré l'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation, dans un communiqué.
Patrouilles des RSF
Les manifestants accusent les paramilitaires des RSF (Forces de soutien rapide) --dirigés par le redouté général Mohammed Hamdan Daglo dit "Hemeidti"-- d'être à l'origine de la dispersion du campement au centre de Khartoum, occupé par des milliers de Soudanais depuis le 6 avril.
La répression enclenchée depuis ce jour-là a fait 115 morts, selon des médecins proches du mouvement. Seulement 61, selon le gouvernement. Dans les jours qui ont suivi, des patrouilles d'hommes armés ont continué à sillonner la ville, les habitants évoquant un climat "terreur".
Dimanche, plusieurs véhicules des RSF, équipés de mitrailleuses, patrouillent encore dans la capitale soudanaise. Certains entourent la principale centrale électrique pour éviter des coupures de courant.
Dans certains quartiers, les transports publics ne fonctionnent pas.
A l'aéroport de Khartoum, des passagers attendent le départ de leur vol, ne sachant pas si des avions vont décoller.
Barrages routiers
Le mouvement, né le 19 décembre après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, agite la menace de la désobéissance civile depuis plusieurs semaines. Fin mai, une grève générale avait déjà été lancée pour faire plier les généraux, au pouvoir depuis la destitution de M. Béchir, en paralysant le pays.
A Omdourman, ville jumelle de Khartoum, sur l'autre rive du Nil, des habitants sont allés acheter des produits de première nécessité dans des épiceries dimanche, mais la plupart des commerces et des marchés sont restés fermés.
"On a vu des soldats en train d'enlever des barrages routiers dans certaines rues d'Omdourman", a déclaré un témoin.
A Al-Obeid (centre), le marché est fermé et plusieurs employés de banque ne se sont pas allés travailler, selon plusieurs témoins.
Dans la ville de Madani (centre), des files d'attente se sont formées devant les boulangeries mais le marché est resté fermé. "Je suis allé dans trois boulangeries et je n'ai pas pu acheter de pain", a déclaré un habitant, joint au téléphone par l'AFP. Selon lui, la circulation est difficile dans la ville à cause des barrages routiers.
Après une tentative de médiation du Premier ministre éthiopien vendredi à Khartoum, les meneurs de la protestation avaient déclaré envisager de continuer, sous conditions, les discussion avec le Conseil militaire de transition.
Les pourparlers sont suspendues depuis le 20 mai, les deux parties ne parvenant pas à trouver un accord sur la présidence et la composition du Conseil souverain censé gérer la période de transition pendant trois ans.
Mais, à l'issue de leur rencontre avec Abiy Ahmed, plusieurs représentants de la contestation ont été arrêtés.
Mohamed Esmat, un des leaders de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), à la pointe de la contestation, a été emmené vendredi par "des hommes armés" devant l'ambassade éthiopienne à Khartoum.
Le lendemain, Ismaïl Jalab, secrétaire général du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM-N, en conflit avec Omar el-Béchir), a été arrêté à son domicile, avec son porte-parole. Plusieurs proches ont déclaré ne pas savoir où ils ont été conduits.
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