Vendredi soir, à l'issue de plusieurs jours de négociations ardues, Washington et Mexico ont arraché un accord sur l'immigration comme souhaité par Donald Trump, qui avait une nouvelle fois agité son arme favorite pour parvenir à ses fins: les droits de douane.
"Le Mexique va faire beaucoup d'efforts, et s'ils le font, cet accord sera un grand succès pour les Etats-Unis et le Mexique", a tweeté samedi le président républicain, avant de remercier son homologue Andres Manuel Lopez Obrador, qui se rendra samedi à Tijuana, ville mexicaine juste de l'autre côté de la frontière de San Diego, en Californie.
Ce voyage avait été prévu par M. Lopez Obrador au plus fort de la crise pour "défendre la dignité" de son pays; il s'agira cette fois de "célébrer" cet accord.
M. Trump a annoncé que Mexico allait prendre "des mesures fortes pour endiguer le flux migratoire" traversant son pays à destination de la frontière avec les Etats-Unis où la police et la douane se disent débordées par le nombre des arrivées. "Cela va permettre de réduire grandement, ou d'éliminer, l'immigration illégale venant du Mexique et entrant aux Etats-Unis", a-t-il assuré.
Mais le New York Times a rapporté samedi que la plupart des mesures annoncées par le Mexique dans l'accord avaient déjà été convenues lors de négociations antérieures.
Donald Trump avait promis d'imposer des taxes de 5% à partir de lundi sur tous les produits exportés par le Mexique vers les Etats-Unis, en augmentant ce taux de 5 points par mois pour qu'il atteigne 25% en octobre, faisant fi des mises en garde des milieux économiques américain et mexicain.
Regrets démocrates
Du côté mexicain de la frontière entre Tijuana et San Diego, samedi, les longues files de camions des jours passés s'étaient résorbées. Beaucoup d'entreprises s'étaient préparées ces derniers jours aux droits de douane et avaient rempli leurs entrepôts.
"Si les tarifs avaient augmenté, tous les prix auraient augmenté", a dit à l'AFP depuis le poste frontière californien d'Otay Mesa, à San Diego, Rafael Toledo, 61 ans.
Cet employé d'une entreprise de dépannage automobile se rend tous les jours travailler aux Etats-Unis. "Mais je n'ai plus à m'inquiéter car tout est réglé, n'est-ce pas ?"
Plus loin, Daniela Clark, une Mexicaine rendant visite à sa famille aux Etats-Unis, se dit rassurée pour l'entreprise familiale d'exportation d'avocats. Si les tarifs étaient entrés en vigueur, "personne aux Etats-Unis n'aurait voulu les acheter", assure-t-elle.
Politiquement, l'accord était toutefois critiqué des deux côtés de la frontière par les oppositions et les ONG.
"Dans cet accord, les migrants servent de monnaie d'échange. Le phénomène migratoire est criminalisé", a dit à l'AFP Luis Rey Villagran, qui défend les migrants au Mexique. "La Garde nationale devrait combattre les narcotrafiquants et non pas arrêter des enfants et des femmes", a-t-il ajouté.
L'opposition mexicaine, par la voix du dirigeant conservateur du Parti action nationale Marko Cortes, a elle dénoncé un accord ayant joué sur "les peurs des deux peuples": économique pour les Mexicains et migratoire pour les Américains.
La déclaration commune des deux pays mentionne des "mesures sans précédent" prises par le Mexique, notamment le déploiement de sa Garde nationale.
"Le Mexique va aussi prendre des mesures décisives pour démanteler les organisations de passeurs et de trafiquants, ainsi que leurs réseaux illicites de transport et de financement", selon ce texte qui a été lu par le ministre mexicain des Affaires étrangères Marcelo Ebrard.
Dans la semaine, le Mexique avait déjà annoncé plusieurs actions prises pour amadouer son voisin du Nord: le déploiement de 6.000 hommes pour empêcher le transit des clandestins, le gel des comptes bancaires de 26 passeurs présumés de clandestins, le renvoi d'une centaine de Honduriens dans leur pays et l'arrestation de militants des droits des migrants.
L'opposition démocrate aux Etats-Unis restait quant à elle hostile, y voyant une continuation du discours anti-immigrés qui est la marque de fabrique de M. Trump depuis son entrée en politique en 2015.
Dans un communiqué, Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, a déploré les pressions exercées sur un "ami proche et voisin" tout en soulevant la question, globalement passée sous silence côté américain jusqu'ici, du droit des demandeurs d'asile. "Les menaces et les accès de colère ne sont pas un moyen de négocier une politique étrangère", a-t-elle également affirmé.
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