Commercer en roubles et yuans sans passer par le dollar, développer les réseaux 5G, construire des infrastructures dans l'Extrême Orient russe figurent parmi les sujets très concrets abordés en Russie par Xi Jinping, qui a déjà eu droit mercredi à un accueil fastueux au Kremlin par Vladimir Poutine, avant de l'accompagner au zoo de Moscou rendre visite à deux pandas prêtés par la Chine puis au théâtre du Bolchoï.
Vendredi, les deux dirigeants rentrent dans le dur de leurs liens économiques et commerciaux en s'exprimant ensemble lors de la séance plénière du forum économique de Saint-Pétersbourg (nord-ouest), au côté du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Au forum, où la délégation chinoise forte de 1.000 personnes est la plus importante, les responsables de Huawei sont venus aborder le développement de la 5G en Russie avec l'opérateur local MTS, suite à la signature d'un accord très symbolique au moment où le géant chinois est accusé d'espionnage par les Etats-Unis.
Une moisson d'autres accords ont été signés, dont un vendredi entre des compagnies maritimes russes et chinoises pour le développement commun de routes de transport dans l'Arctique.
Lors d'un panel d'hommes d'affaire russes et chinois, l'oligarque russe Viktor Vekselberg, visé par des sanctions américaines, a plaidé en faveur de davantage d'échanges commerciaux dans les devises nationales, permettant d'éviter le dollar, objectif régulièrement évoqué par Vladimir Poutine ces derniers mois.
Très déséquilibrée en faveur de Pékin, l'entente économique entre les deux immenses pays voisins n'a cessé de progresser ces dernières années alors que les relations se dégradaient entre Moscou et les Occidentaux, Etats-Unis en tête, au fil des multiples crises.
L'ombre Baring Vostok
Le rapprochement entre Moscou et Pékin se retrouve renforcé par les mesures prises par les Etats-Unis à l'encontre des deux pays, sous forme de sanctions ou de guerre commerciale.
S'il s'agit de la première visite de Xi Jinping au forum, les présidents russe et chinois ont multiplié les entrevues récemment, la dernière remontant à seulement fin avril, alors que Moscou et Pékin marquent leurs 70 ans de relations diplomatiques.
L'UE reste le premier investisseur en Russie, loin devant les Etats-Unis et la Chine. Mais dans un contexte de fortes tensions entre la Russie et les Occidentaux, les échanges commerciaux entre Moscou et Pékin ont augmenté d'un quart en 2018 pour atteindre un record à plus de 100 milliards de dollars selon le Kremlin.
Or la Russie a grand besoin d'attirer les investissements étrangers, comme l'a rappelé jeudi Vladimir Poutine. Le besoin est d'autant plus crucial dans un contexte de ralentissement économique en début d'année et de baisse de popularité du président russe.
Au début de son quatrième mandat l'année dernière, il a annoncé des ambitieux "projets nationaux" de plusieurs centaines de milliards d'euros qu'il s'agit désormais de financer, malgré le climat des affaires tendu. Outre les sanctions, les investisseurs occidentaux sont échaudés par les poursuites visant les financiers américain Michael Calvey et français Philippe Delpal, dirigeants du puissant fonds Baring Vostok.
Michael Calvey, assigné à résidence et qui avait demandé à assister au forum, n'avait toujours pas reçu l'autorisation vendredi matin, selon son avocat.
Déséquilibre
"La Chine prend du temps à ouvrir en grand les vannes de l'investissement: elle veut se sentir sûre sur le long terme, elle ne veut pas se précipiter", relève Charles Robertson, chef économiste de Renaissance Capital.
Cet expert s'attend cependant à "de gros investissements chinois en Russie" dans les prochaines années notamment dans le cadre des projets de nouvelles Routes de la soie de Pékin.
Parmi les projets majeurs liant Moscou et Pékin figure le gazoduc Power of Siberia, qui allie les géants russe Gazprom et chinois CNPC et doit livrer du gaz russe à la Chine à partir de décembre 2019.
CNPC et le Silk Road Fund détiennent également 29,9% (contre 20% pour Total) du projet géant de gaz naturel liquéfié Yamal LNG, du russe Novatek, en Sibérie arctique.
"Les asymétries (entre les deux pays) sont présentes dans tous les domaines mais sont particulièrement visibles dans le domaine économique", le PIB russe ne valant pas plus que celui de la province chinoise de Guangdong, tempère un rapport publié en mai 2019 par l'Institut d'études politiques internationales ISPI à Milan. "Il n'est pas dur de voir qui a le dessus dans cette relation".
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