Dans un bilan officiel, le ministère de la Santé a affirmé à l'AFP que le "nombre de morts" depuis lundi s'élevait "à 61". Il avait assuré plus tôt, via l'agence de pressse officielle Suna, que ce nombre n'avait "pas dépassé 46", en démentant catégoriquement le bilan du comité de médecins proche de la contestation.
Selon ce comité, au moins 108 personnes ont été tuées et plus de 500 blessées en trois jours, pour la plupart dans la dispersion brutale d'un sit-in devant le siège de l'armée lundi à Khartoum.
Cette opération, qualifiée de "massacre" par la contestation et attribuée à des "milices" du Conseil militaire de transition, a été condamnée par le secrétaire général de l'ONU et par plusieurs chancelleries occidentales.
Jeudi, l'Union africaine (UA) a à son tour réagi en annonçant la suspension avec effet immédiat du Soudan "jusqu'à l'établissement effectif d'une autorité civile de transition".
L'Union européenne a approuvé cette suspension ainsi que l'appel à l'arrêt des violences lancé par l'UA, a déclaré une porte-parole dans un communiqué.
"L'Union européenne se joint à l'Union africaine pour appeler à une cessation immédiate de la violence et à une enquête crédible sur les événements criminels de ces derniers jours", a indiqué la porte-parole. L'UE a aussi appelé à la reprise des négociations entre les autorités et la contestation.
Le ministère français des Affaires étrangères a déploré dans un communiqué "les très nombreuses victimes" de la répression, demandé "une enquête indépendante" et souhaité que les auteurs des violences soient traduits en justice. La France appelle aussi à "la reprise du dialogue" entre Comité militaire de transition et opposition.
Les principales artères de la capitale ont été rouvertes à la circulation jeudi, en présence d'un nombre important de paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), rattachés aux services de sécurité.
"Nous vivons dans un état de terreur à cause des coups de feu qui se produisent de temps à autre", même si la situation était "meilleure", a raconté à l'AFP un habitant du sud de Khartoum.
A Oumdourman, la ville voisine de la capitale, un résident interrogé par l'AFP a également évoqué un "sentiment de terreur" face à "la prolifération de véhicules militaires avec cette quantité d'armes".
La circulation dans les rues de Khartoum était plus significative que ces derniers jours, avec quelques voitures, autobus et minibus. Davantage de magasins étaient ouverts en ce deuxième jour de la fête marquant la fin du jeûne du ramadan (Aïd el-Fitr).
"Corps dans le Nil"
Le Soudan est secoué depuis décembre par un soulèvement populaire déclenché par le triplement du prix du pain et qui a conduit au renversement par l'armée du président Omar el-Béchir le 11 avril.
La mobilisation s'est poursuivie après cette destitution, les manifestants campant devant le QG de l'armée pour réclamer le transfert du pouvoir aux civils.
Lundi, la dispersion brutale de ce rassemblement devenu emblématique a provoqué une onde de choc parmi les protestataires.
Donnant quelques précisions sur le bilan des autorités, Souleiman Abdul Jabbar, sous-secrétaire au ministère de la Santé, a déclaré que 52 personnes étaient mortes "à Khartoum, dont 49 civils tués par balles". Trois personnes portant l'uniforme des Forces de soutien rapide (RSF) ont été poignardées, a-t-il dit.
Présentées par leurs détracteurs comme un avatar des redoutables milices Janjawid ayant sévi au Darfour (ouest), les RSF sont accusées d'être les principaux auteurs de la répression menée depuis lundi.
M. Abdul Jabbar a encore affirmé que deux corps avaient été trouvés dans le Nil et que quatre personnes étaient mortes à Al-Obeid (centre), quatre au Darfour-Occidental et un à Gadaref (est).
Selon le comité de médecins, s'appuyant sur des témoignages de médecins sur place, 40 personnes ont été découvertes dans les eaux du Nil.
"Terrorisme"
En dépit de la répression et de la peur, les chefs du mouvement continuent d'afficher leur détermination.
"La révolution continue et notre peuple est victorieux malgré le terrorisme et la violence des milices", a déclaré l'Association des professionnels soudanais (SPA), un acteur majeur du mouvement.
Elle a appelé à "la grève indéfinie et à la désobéissance civile", tout en mettant en garde contre les appels à la violence. "Notre engagement au pacifisme est plus fort et plus efficace dans cette situation particulière", a assuré la SPA.
L'arme "pacifique" privilégiée est le blocage des routes: les manifestants ont érigé des barricades de fortune faites de briques, de pierres, de pneus en flammes.
A Bahri, dans la banlieue nord de Khartoum, les deux rues principales ont été ouvertes, mais des manifestants ont coupé des petites routes reliant le quartier aux secteurs voisins.
"Mensonges"
Pour les manifestants, l'identité des auteurs de la répression ne fait pas de doute: les "milices" du Conseil militaire, en particulier les RSF.
Dans les rues de Khartoum, des habitants affichent un air tétanisé au passage de ces hommes, souvent jeunes, juchés en grand nombre sur des pick-up, en uniforme beige impeccable et lourdement armés. Les RSF ont été déployées en masse dans le pays, en particulier à Khartoum.
Le chef des RSF, vice-président du Conseil militaire et ancien responsable des Janjawid, le redouté Mohamad Hamdan Daglo, surnommé "Hemeidti", a assuré qu'il se tenait aux côtés des "révolutionnaires". Mais il a aussi juré de ne pas "permettre le chaos", en référence notamment aux barricades.
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