Entamé mi-mars à Paris, le mouvement de grève s'est étendu à plusieurs dizaines d'établissements - 80 d'après le collectif Inter-Urgences, "une cinquantaine" selon le gouvernement.
La pression monte un peu plus chaque jour sur la ministre de la Santé. Mercredi, l'Ordre des médecins a réclamé "une concertation d'urgence" pour prendre enfin les "décisions ministérielles qui ne sauraient être plus longtemps différées".
Une prise de position qui fait suite à "des réquisitions préfectorales" qui ont "suscité de l'émotion", notamment à Lons-le-Saunier (Jura), où les gendarmes sont venus solliciter des soignants en pleine nuit la semaine dernière.
Une mesure rendue nécessaire par "l'absentéisme soudain" de médecins "inscrits au planning et assignés" par la direction de l'hôpital, mais "s'étant déclarés en maladie", selon l'Agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté.
Mis en cause par les autorités, les praticiens n'ont pas tardé à riposter: le syndicat Jeunes médecins a annoncé mercredi le dépôt d'une plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui.
L'organisation reproche notamment au préfet de ne pas avoir annulé des manifestations sportives malgré "un risque majeur de débordement du service des urgences".
A Paris aussi, une quinzaine d'infirmiers et d'aides-soignants de l'équipe de nuit des urgences de Lariboisière se sont fait porter pâle et ne se sont pas présentés dans la nuit de lundi à mardi.
Une façon "d'envoyer un signal fort" pour faire comprendre que "les équipes sont épuisées", a expliqué à l'AFP Hugo Huon, infirmier dans cet hôpital et membre du collectif Inter-Urgences.
Mais Mme Buzyn n'a pas apprécié la méthode: "C'est dévoyer ce qu'est un arrêt maladie. Je pense que ce n'est pas bien, ça entraîne une surcharge de travail pour les autres", a-t-elle réagi mardi.
"Le malaise est profond"
En réalité, la surcharge est devenue la norme: le nombre de patients pris en charge aux urgences est passé de 10 millions en 1996 à 21 millions en 2016, un record sans doute dépassé depuis.
"On a doublé notre activité, mais on n'a pas doublé nos moyens", observe Tarak Mokni, responsable du Samu de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
Partout, les urgentistes s'inquiètent du manque d'effectifs et des fermetures de lits "d'aval" pour transférer les malades dans les autres services hospitaliers.
"Il n'y a plus de soupape de sécurité. On a l'impression que ça ne s'arrêtera jamais", confie Philippe Fradin, chef des urgences de La Roche-sur-Yon (Vendée).
"Le malaise est profond et général", affirme François Braun, chef de service au CHR de Metz-Thionville et président de Samu-Urgences de France.
Le congrès annuel de son association est d'ordinaire marqué par une intervention du ministre de la Santé. Mais Mme Buzyn, qui défend toute la semaine son projet de loi au Sénat, n'a pas inscrit l'événement à son agenda.
En revanche, les personnels iront se faire entendre sous les fenêtres du ministère: une manifestation partira à 13H00 de la gare Montparnasse, à l'appel du collectif Inter-Urgences, soutenu par les syndicats CGT, SUD et FO ainsi que par l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf).
"On ne peut pas faire mieux avec moins", affirme Patrick Pelloux, emblématique président de l'Amuf, qui juge nécessaire "un débat au Parlement sur les urgences".
Sous le feu des critiques, l'exécutif peine à désamorcer la crise. "Nous entendons ce que nous disent les soignants", a assuré mercredi la secrétaire d'Etat Christelle Dubos à l'Assemblée nationale, ajoutant que la ministre de la Santé "recevra dans les prochains jours l'ensemble des organisations" d'urgentistes.
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