A l'issue d'un psychodrame qui s'est prolongé jusqu'après minuit dans une tension grandissante, le Parlement (Knesset)a voté de nouvelles élections en deuxième et troisième lectures par 74 voix pour et 45 contre, à l'instigation du Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
C'est pourtant un échec pour M. Netanyahu, au pouvoir sans discontinuer depuis 1999 et plus de 13 ans au total en comptant un premier mandat.
L'avenir de cette figure dominante au point d'en paraître imbattable, mais aujourd'hui menacée d'inculpation pour corruption, devrait à nouveau se trouver au coeur de la prochaine campagne.
Ce développement sans précédent résulte de l'incapacité de M. Netanyahu à former une coalition de gouvernement avec les partis de droite arrivés en tête des législatives du 9 avril. M. Netanyahu, 69 ans, a préféré provoquer de nouvelles élections que de voir le président Reuven Rivlin donner à un autre que lui sa chance de rassembler une majorité de gouvernement avec la Knesset existante.
Pour ses adversaires, M. Netanyahu aurait pu se désister, mais n'est préoccupé que de sa survie politique. Il s'accroche à son poste pour faire voter des lois le protégeant des poursuites, accusent-ils.
L'annonce de nouvelles élections a des répercussions bien au-delà d'Israël. Elle soulève la question de la présentation par l'administration Trump de son plan pour résoudre le conflit israélo-palestinien, attendu depuis des mois.
Question de principe
Donald Trump, qui a multiplié les faveurs envers Israël et M. Netanyahu depuis son accession à la présidence, s'était invité lundi dans la crise israélienne en apportant son soutien au Premier ministre sortant. Et le gendre de M. Trump, Jared Kushner, est arrivé à Jérusalem mercredi soir, en pleins remous intérieurs, pour discuter de l'initiative diplomatique dont il est le cerveau.
M. Netanyahu avait jusqu'à minuit (21H00 GMT) pour fédérer en une coalition de gouvernement la majorité théorique de 65 sièges née des élections d'avril.
Parmi eux: les cinq mandats parlementaires du parti laïc et nationaliste Israël Beiteinou et les 16 des deux partis ultra-orthodoxes représentant les quelque 10% d'Israéliens observant rigoureusement les règles du judaïsme.
M. Netanyahu, le maître stratège qui triomphait dans la nuit du le 9 avril, n'a pas réussi à surmonter le vieil antagonisme entre laïcs nationalistes et ultra-orthodoxes, autour d'un sujet social qui résiste au temps: l'exemption de service militaire dont bénéficient des dizaines de milliers d'étudiants des écoles talmudiques.
Dans un pays où tous, sauf exception, sont soumis à la conscription, ce régime de faveur est perçu par beaucoup comme une injustice.
Sur ce sujet, M. Netanyahu s'est heurté à un mur en la personne d'Avigdor Lieberman, chef d'Israël Beiteinou, personnalité éminente chez les centaines de milliers d'Israéliens originaires de l'ex-URSS, qui dirigea le bureau du Premier ministre Netanyahu en 1996-97 et était encore son ministre de la Défense en 2018.
M. Lieberman n'en a pas démordu: il ne participerait au gouvernement que contre l'engagement que serait votée, telle qu'il l'avait proposée quand il était à la Défense, une loi annulant l'exemption systématique des ultra-orthodoxes. "Question de principe" et refus de participer à un gouvernement sous la coupe de la loi juive, n'a-t-il cessé de répéter.
Gâchis
M. Netanyahu avait tenté une proposition de dernière minute pour résoudre le casse-tête.En vain.
Tout le monde s'est rejeté la faute de ce fiasco. "Incroyable, kafkaïen", s'est étranglé M. Netanyahu. "Lieberman n'avait aucune intention de parvenir à un accord, il voulait juste faire tomber le gouvernement. Lieberman appartient désormais à la gauche", a-t-il martelé.
"On s'est servi de manière cynique de la loi sur la conscription pour semer la confusion dans l'esprit du public, inciter à la haine contre les ultra-orthodoxes et marquer des points", s'est indigné le leader ultra-orthodoxe Yaakov Litzman.
“Le seul responsable du fait qu'Israël doive revoter, c'est le Likoud", a répondu M. Lieberman sur Facebook après le vote.
Des voix s'élèvent pour dénoncer le gâchis d'argent et d'énergie politique que constitueraient de nouvelles élections.
Un représentant du ministère des Finances cité dans la presse a évoqué une somme d'au moins 475 millions de shekels (117 millions d'euros) pour la dissolution et le scrutin. S'y ajouterait le manque à gagner considérable infligé par la perte d'une journée de travail -on ne travaille pas les jours de vote en Israël.
M. Netanyahu est menacé d'inculpation dans trois affaires de corruption. Il clame son innocence et dénonce une "chasse aux sorcières".
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