A la surprise générale, Robert Mueller s'est exprimé pour la première fois depuis qu'il a été chargé, en mai 2017, de faire la lumière sur l'ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016.
Dans une brève allocution, cet ancien directeur de la police fédérale (FBI) a redit qu'il n'avait pas rassemblé "de preuves" d'une entente entre Moscou et l'équipe du candidat Trump, tout en soulignant qu'il ne pouvait pas exonérer le président des soupçons d'entrave à la justice.
"Si nous avions eu la conviction que le président n'avait clairement pas commis de délit, nous l'aurions dit", a assuré M. Mueller visiblement ému. L'inculper "n'était pas une option", a-t-il toutefois poursuivi, en citant le cadre légal qui interdit de poursuivre un président en exercice devant la justice ordinaire.
"L'affaire est close ! Merci", a réagi M. Trump, désireux de refermer ce dossier qui a empoisonné les deux premières années de son mandat. "Rien ne change concernant le rapport Mueller", a encore écrit sur Twitter Donald Trump en répétant être "innocent".
L'opposition démocrate ne l'entend pas de cette oreille. Plusieurs voix dans le parti, notamment parmi les prétendants à la Maison Blanche, se sont élevées pour demander au Congrès d'engager une procédure de destitution contre le président américain.
Plus prudents, les chefs du parti ont promis que le Congrès allait "continuer à enquêter", sans dire s'ils allaient convoquer Robert Mueller pour une audition comme ils l'avaient envisagé précédemment.
Le procureur spécial a "espéré" ne pas avoir à le faire, jugeant qu'une telle mesure serait "inappropriée". "Je ne fournirai pas plus d'informations que ce qui est public si je devais témoigner au Congrès", a-t-il déclaré, en renvoyant vers son rapport d'enquête qui "parle de lui-même".
"Injuste"
Ce volumineux document, rendu public à la mi-avril sous une version expurgée de ses données confidentielles, "est mon témoignage", a déclaré le juriste de 74 ans.
Reprenant ses principales conclusions, il a redit que la Russie avait déployé des "efforts multiples et systématiques" pour influencer l'élection en 2016.
Sur plus de 450 pages, Robert Mueller détaille les multiples contacts entre Moscou et l'équipe du milliardaire républicain, mais conclut ne pas avoir de "preuves suffisantes" d'une quelconque entente.
Il décrit également une série de pressions troublantes exercées sur son enquête par Donald Trump, à commencer par une tentative de le limoger, mais sans recommander finalement d'inculpation.
"Un président ne peut être poursuivi pour une infraction fédérale tant qu'il est en fonction. C'est anticonstitutionnel", a justifié Robert Mueller mercredi.
"Ce serait injuste d'accuser quelqu'un d'un délit s'il ne peut pas se défendre en justice", a poursuivi cet homme austère et méthodique, qui jouit d'un large respect des deux côtés de l'échiquier politique.
Mais, a-t-il souligné, "la Constitution prévoit une procédure en dehors du système judiciaire pour mettre en accusation un président en exercice".
"Harcèlement"
Les démocrates, qui contrôlent la Chambre des représentants, pourraient lancer cette procédure d'"impeachment". Compte-tenu de la majorité républicaine au Sénat, elle est toutefois quasiment sûre d'échouer.
Les leaders du parti craignent également qu'elle n'occulte les autres enjeux de la campagne pour 2020.
"Rien n'est exclu et personne n'est au dessus des lois", a déclaré la chef de la Chambre, Nancy Pelosi. Mais avant de se lancer, "on veut être sûr d'avoir un dossier en béton" pour que même les sénateurs républicains nous suivent, a-t-elle poursuivi.
Pour ce faire, les parlementaires démocrates vont donc continuer à user de leurs pouvoirs d'enquête, ce qui promet de nouveaux affrontements avec la Maison Blanche.
Se disant victime d'un "harcèlement", le président Trump a en effet déjà usé de ses prérogatives présidentielles pour empêcher certains de ses anciens conseillers de témoigner au Congrès.
"Après deux ans, le procureur spécial reprend le cours de sa vie et tout le monde devrait faire de même", a encore commenté mercredi la porte-parole de la présidence Sarah Sanders.
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