Yassine Sakkam, 29 ans, qui a dit avoir "participé aux combats" en Syrie et fait allégeance au "calife" autoproclamé de l'EI, a été condamné mercredi à la peine capitale avec un Tunisien, Mohammed Berriri, parti en 2014 à 20 ans rejoindre la Syrie en guerre.
Comme les six autres Français condamnés à mort avant eux par la cour pénale d'Al-Karkh à Bagdad, Sakkam et Berriri sont restés impassibles à l'annonce du verdict, selon une journaliste de l'AFP sur place.
Au total, 11 Français et un Tunisien sont jugés depuis dimanche devant cette cour après s'être rendus en 2017 et 2018 aux forces kurdes syrienne qui ont combattu l'EI, chassé en Syrie comme en Irak voisin de l'ensemble des centres urbains.
Ils ont été transférés fin janvier en Irak car ils ne peuvent être jugés en Syrie: les forces kurdes anti-EI ne sont pas un Etat et Paris n'a pas de relations diplomatiques avec Damas.
Depuis 2018, l'Irak a condamné plus de 500 étrangers de l'EI -hommes et femmes-, mais aucun de ceux ayant écopé de la peine capitale n'a jusqu'ici été exécuté.
Mohammed Berriri, arrivé en Syrie à bord de sa voiture après une traversée depuis Nice (sud de la France), était présenté comme Français jusqu'à ce qu'il affirme mercredi au juge qu'il était Tunisien résidant en France.
Avec Yassine Sakkam, tous deux en uniforme jaune des détenus, un bouc taillé de près recouvrant leurs mentons, il a indiqué avoir rejoint l'EI après avoir été convaincu par la propagande ou des proches. Une fois sur place, ont-ils tous deux assuré, ils ont déchanté.
"Alcool et cocaïne"
Yassine Sakkam a affirmé au juge en arabe marocain, le pays d'origine de ses parents: "en France, je ne m'intéressais à rien, ni à la Palestine, ni à l'Irak, ni à la guerre. Je pensais seulement à gagner de l'argent".
"Entre deux verres (d'alcool) et de la cocaïne, j'ai appelé mon frère (qui se trouvait déjà en Syrie, NDLR) et je lui ai dit: +je viens te voir+", a poursuivi celui qui se faisait appeler Abou Salmane al-Faranssi au sein de l'EI.
Là, son aîné l'a convaincu "en 13 jours" puis lui a remis "une Kalachnikov". "Je suis parti au combat, le coeur battant", a encore dit cet ancien employé de sécurité originaire de Lunel (sud), comme une vingtaine d'autres Français de l'EI.
Quand le juge lui a demandé où se trouvait son frère Karim, il a répondu: "il s'est fait exploser à la frontière irakienne".
Yassine Sakkam s'est dit "innocent et victime", contrairement à Mohammed Berriri qui a plaidé "coupable" et a dit "regretter d'avoir rejoint l'EI", où il a été pendant trois ans "garde-frontière" du "califat".
"Je suis parti en Syrie car j'étais énervé et je pensais que l'EI défendait les plus faibles. Aujourd'hui, j'ai vu la vérité sur l'EI et je n'ai plus rien à voir avec cette organisation", a-t-il affirmé.
Procès équitables?
Les sept Français déjà condamnés -Brahim Nejara, Karam El Harchaoui, Kévin Gonot, Léonard Lopez, Salim Machou, Mustapha Merzoughi et Yassine Sakkam- ainsi que le Tunisien ont un mois pour faire appel.
Ces nouveaux verdicts relance le débat sur l'épineuse question des jihadistes étrangers, dont le retour dans leur pays d'origine suscite un vif rejet dans l'opinion publique en Europe.
Mais la France, comme d'autres Etats, refuse à la fois le jugement de ses ressortissants affiliés à l'EI sur son sol et la peine de mort, prévue par la loi irakienne pour quiconque a rejoint une organisation "terroriste", qu'il ait ou non combattu.
Les défenseurs des droits humains dénoncent "de vrais risques de torture" et "aucune garantie pour des procès équitables" en Irak, 12e pays le plus corrompu au monde selon l'ONG Transparency International. Ils estiment par ailleurs que ces procès ne rendent pas justice aux victimes des exactions de l'EI.
Après avoir affirmé que "ces terroristes-là (...) doivent être jugés là où ils ont commis leurs crimes", le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a jugé leurs procès à Bagdad "équitables", en soulignant entre autres que "les audiences sont publiques", "les procès conduits par un magistrat du siège assisté de deux assesseurs" et "le réquisitoire est conduit par un procureur".
En revanche, le collectif "Familles unies", qui défend des familles de jihadistes, a appelé à juger ces ressortissants français en France pour éviter des "procès sans témoins expédiés à la va-vite".
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