Israël est le théâtre d'un psychodrame politique dont le dénouement pourrait n'être connu qu'à l'ultime minute, à minuit (21H00 GMT), quand expirera le délai imparti à M. Netanyahu pour conclure un accord de gouvernement avec ses partenaires de droite.
Or, les discussions menées par M. Netanyahu sont dans l'impasse. Si elles échouent, le président Reuven Rivlin qui avait confié ce mandat à M. Netanyahu après la victoire de la droite aux législatives du 9 avril pourrait théoriquement donner sa chance à un autre que lui.
Tout semble indiquer que M. Netanyahu, au pouvoir depuis dix ans sans discontinuer et plus de 13 ans au total, ne le laissera pas faire. C'est rien de moins que la survie de cette figure dominante au point d'en paraître imbattable --mais aujourd'hui menacée d'inculpation pour corruption-- qui est en jeu, estiment les analystes politiques.
Pour couper l'herbe sous le pied du président, les alliés de Benjamin Netanyahu pourraient voter avant l'échéance de minuit une loi de dissolution du Parlement (Knesset) 50 jours après son élection.
Les Israéliens retourneraient alors voter, a priori entre fin août et septembre.
Ce serait une première dans l'histoire d'Israël, et les ennuis judiciaires de M. Netanyahu en seraient largement considérés comme un facteur primordial.
En l'état, l'issue de la crise demeure totalement incertaine. Israël et M. Netanyahu sont coutumiers des accords de dernière minute. En 2015 déjà, le Premier ministre était parvenu in extremis à ses fins.
Benjamin Netanyahu cherche à rassembler la majorité théorique de 65 sièges de droite (sur 120 au total) sortie des urnes le 9 avril.
Parmi eux: les cinq mandats parlementaires du parti laïc et nationaliste Israel Beiteinou et les 16 des deux partis ultra-orthodoxes représentant les quelque 10% d'Israéliens observant rigoureusement les règles du judaïsme.
Question de principe
Les négociations sont bloquées par le vieil antagonisme entre le parti nationaliste et laïc Israel Beiteinou et les ultra-orthodoxes, autour d'un sujet social qui résiste au temps: l'exemption de service militaire dont bénéficient des dizaines de milliers d'étudiants des écoles talmudiques.
Dans un pays où tous, sauf exception, sont soumis à la conscription, ce régime de faveur est perçu par beaucoup comme une injustice.
Sur ce sujet, Benjamin Netanyahu se heurte à un mur en la personne d'Avigdor Lieberman, chef d'Israël Beiteinou, personnalité éminente chez les centaines de milliers d'Israéliens originaires de l'ex-URSS, qui dirigea le bureau du Premier ministre Netanyahu en 1996-97 et était encore son ministre de la Défense en 2018.
M. Lieberman exige pour participer au gouvernement l'engagement que sera votée, telle qu'il l'avait proposée quand il était à la Défense, une loi annulant l'exemption systématique des ultra-orthodoxes.
Il a répété lundi soir sur Facebook qu'il n'avait "pas l'intention de renoncer (aux) principes" du parti.
Le Likoud, parti de M. Netanyahu, l'a désigné comme une cible politique. "Je pensais avoir tout vu en politique mais j'ai été surpris par l'intensité des pressions, de la paranoïa et des spéculations auxquelles j'ai été exposé", a dit M. Lieberman.
Gâchis
Devant son intransigeance, le Likoud a continué à préparer le terrain à la dissolution de la Knesset, augmentant la pression sur les discussions.
Une loi de dissolution a été adoptée mardi en première lecture. Une commission a validé mardi soir le texte en vue d'un vote définitif en deuxième et troisième lectures mercredi après-midi. Un débat sur la dissolution est programmé à partir de midi (09H00 GMT).
Le Likoud a aussi approuvé mardi soir de faire liste commune avec le parti centriste Koulanou lors d'éventuelles élections. Cette alliance sécurise a priori les quatre voix de Koulanou en faveur d'une dissolution.
Des voix s'élèvent pour dénoncer le gâchis d'argent et d'énergie politique que constitueraient de nouvelles élections.
Un représentant du ministère des Finances cité dans la presse a évoqué une somme d'au moins 475 millions de shekels (117 millions d'euros) pour la dissolution et le scrutin. S'y ajouterait le manque à gagner considérable infligé par la perte d'une journée de travail -on ne travaille pas les jours de vote en Israël.
L'éventualité que M. Netanyahu se retire, ouvrant éventuellement la voie à un gouvernement d'union sans lui, semble exclue. Ses adversaires l'accusent de s'accrocher à son poste pour faire voter des textes le protégeant des poursuites.
Il est menacé d'inculpation dans trois affaires de corruption. Il clame son innocence et dénonce une "chasse aux sorcières".
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