Les fonctionnaires, employés des banques et d'entreprises du privé ont répondu à cet appel d'une grève générale de deux jours, insistant sur le fait que seul un gouvernement civil est en mesure de sortir le Soudan de la crise politique.
"Cette grève est la première étape. Si nos revendications ne sont pas satisfaites, nous irons vers une désobéissance civile", a averti un employé de banque, Youssef Mohamed, alors qu'il scandait des slogans avec ses collègues devant cet établissement bancaire de Khartoum.
"Nous avons essayé un gouvernement militaire, mais cela n'a pas fonctionné", a-t-il ajouté.
Dans différents secteurs de Khartoum, des employés grévistes ont protesté en pleine rue, des voitures klaxonnant en solidarité avec eux.
Des centaines de travailleurs de Port-Soudan, pôle économique vital, ont aussi rejoint la grève de 48 heures.
Passagers bloqués
Des centaines de passagers ont été bloqués à l'aéroport de Khartoum. Beaucoup d'employés ont porté des insignes sur lesquels était écrit: "nous sommes en grève", a rapporté un correspondant de l'AFP.
Les compagnies soudanaises Badr, Tarco et Nova ont suspendu leurs vols mardi. EgyptAir a également annulé ses liaisons avec Khartoum pour la journée, tandis que flydubai a dit qu'il "surveillait" la situation.
Des centaines de passagers ont également été bloqués à la gare routière de Khartoum, où les employés ont indiqué qu'ils étaient en grève mardi et mercredi et qu'il n'y aurait donc pas de bus.
Après avoir demandé le soutien de l'armée contre le président Omar el-Béchir, les manifestants réclament désormais le départ des généraux qui ont pris le pouvoir après avoir évincé le chef de l'Etat le 11 avril.
Des discussions ont été lancées pour trouver un accord sur une instance de transition entre le Conseil militaire et les civils de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui mènent depuis plus de cinq mois le mouvement.
Mais des divergences persistent, notamment sur la composition d'un futur Conseil souverain censé assurer une transition post-Béchir de trois ans, chaque camp réclamant une majorité des sièges.
Face au refus persistant des militaires de céder le pouvoir, l'ALC a décidé d'utiliser l'"arme devenue inévitable" de la grève générale.
En cas d'absence de réaction des militaires, Wajdi Saleh, membre de l'ALC, a menacé lundi soir de faire "monter la pression d'un cran vers une grève générale indéfinie". "Nous espérons ne pas en arriver là", a-t-il ajouté.
"Message clair au monde"
"La grève de deux jours a pour objectif d'envoyer un message clair au monde entier: le peuple soudanais souhaite un changement réel et n'acceptera pas de laisser le pouvoir aux mains des militaires", a déclaré à l'AFP Siddiq Farouk, un des leaders de l'ALC.
"La grève est un moyen et non une fin en soi, elle est le droit ultime du peuple pour réaliser ses revendications", a ajouté M. Farouk.
Mais cet appel a aussi révélé des dissensions au sein du mouvement de contestation.
L'historique parti d'opposition al-Oumma, dirigé par l'ancien Premier ministre Sadek al-Mahdi et membre de l'ALC, a rejeté dimanche cette action, évoquant un "désaccord sur son calendrier et sa préparation".
"Une grève générale est une arme qui ne devrait être utilisée qu'après avoir fait l'objet d'un consensus" au sein de l'ALC, a argué al-Oumma.
Ce parti a toutefois appelé à maintenir "l'unité" au sein de la contestation et défendu le "droit" des travailleurs à faire grève.
M. Mahdi, ex-chef de gouvernement élu qu'Omar el-Béchir avait renversé lors d'un coup d'État soutenu par les islamistes en 1989, avait déjà appelé les manifestants à ne pas "provoquer" les militaires.
Le Parti du congrès soudanais, également partie prenante majeure de l'ALC, a de son côté annoncé son adhésion à la grève, dénonçant "le mur d'intransigeance du Conseil militaire".
Rencontres internationales
Alors que les chefs de la contestation mobilisaient la société civile pour la grève, les généraux ont multiplié ces derniers jours les rencontres avec les dirigeants étrangers qui les soutiennent.
Le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burhane, s'est rendu dimanche aux Emirats arabes unis au lendemain d'une visite en Egypte, deux pays qui appuient les généraux au Soudan.
A l'instar du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le prince héritier d'Abou Dhabi, cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, a assuré au général soudanais que les Emirats se tiendraient "auprès du Soudan dans ses efforts pour préserver la sécurité et la stabilité".
Le chef-adjoint du Conseil militaire, Mohamad Hamdan Daglo, dit "Himeidti", a lui rencontré le 24 mai le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Jeddah, dans l'ouest de l'Arabie saoudite, et ont exprimé un soutien mutuel.
Les représentants des manifestants ont rencontré les ambassadeurs britannique et saoudien à Khartoum. Ils ont notamment demandé le soutien de Ryad "pour l'instauration d'un pouvoir civil de transition".
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