Des prises de paroles brèves d'à peine trente minutes, suivies de séances photos avec les sympathisants: la méthode, inspirée par l'allié italien Matteo Salvini, est testée avec succès lors de ce tour de France hivernal des campagnes.
En pleine crise des "gilets jaunes", la cheffe du RN réclamait alors, sans paraître y croire vraiment, "une dissolution" de l'Assemblée pour "renverser la table".
Depuis son débat jugé raté de l'entre-deux-tours de la présidentielle, Marine Le Pen cherche un souffle nouveau. Elle a rebaptisé "Rassemblement national" le Front national créé par son père, Jean-Marie Le Pen. Et la doctrine du parti ne prévoit plus ni la sortie de l'euro ni celle de l'Union européenne.
"À la guillotine"
Pour les européennes, c'est Jordan Bardella, un inconnu de 23 ans, qui a été envoyé au charbon - "au casse-pipe", moquent à l'époque d'aucuns.
Le jeune homme au visage poupon et aux cheveux gominés peine d'abord à s'imposer lors des réunions publiques: phrases trop longues, débit trop rapide, le novice est cantonné aux débuts de meetings face à des foules incrédules.
En ce début d'année, la liste Bardella est distancée par celle de LREM de quatre à six points. Le potentiel électoral du mouvement des "gilets jaunes", soutenu par la moitié des Français, se dilue dans les intentions de vote pour La France insoumise ou Nicolas Dupont-Aignan, voire pour une liste autonome des protestataires en chasuble fluo, donnée à 12% dans plusieurs études.
Les fondamentaux du lepénisme sont alors convoqués: "Notre priorité, c'est, c'était et ce sera toujours les Français d'abord", répète la tête de liste.
"Vote utile"
La base solidifiée, il s'agit au début du printemps pour Marine Le Pen et les siens d'élargir leur assiette électorale. Le grand débat, puis la conférence de presse du président de la République en avril, convainquent les stratèges du RN de persévérer dans l'affrontement frontal avec le chef de l'État.
A défaut de dissolution, c'est un référendum antiMacron que réclament désormais Mme Le Pen et M. Bardella, lequel a gagné en éloquence et assurance au fur et à mesure des meetings et prestations télévisées, quand sa principale adversaire, la macroniste Nathalie Loiseau, est jugée terne et trop peu combative.
Fin avril, le frémissement d'intentions de vote pour la liste LR emmenée par le conservateur François-Xavier Bellamy, un enseignant en philosophie qui suscite un engouement inattendu dans son camp, interroge les hiérarques du RN.
Le 1er mai, à Metz, Marine Le Pen infléchit son discours et dénonce le supposé complot d'une Union européenne qui serait l'œuvre de financiers américains, en théorisant "la lutte des empires contre la nation". La salle n'adhère pas.
Huit jours plus tard, la cheffe du RN change de stratégie et dramatise encore davantage l'enjeu. Elle estime que "si Emmanuel Macron perd cette élection, alors il devra partir", comme un écho aux "Macron, démission" lancés tout l'hiver dans les défilés "gilets jaunes".
Vendredi, portée par une dynamique sondagière tardive, elle convie les électeurs LR, LFI et DLF à voter Rassemblement national. "Le seul vote utile", selon elle.
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