Car leur science du ciel ne leur a pas été d'un grand secours ces dernières années, marquées par des sécheresses plus fréquentes et plus intenses. Les membres du clan peuvent marcher durant des jours avec leurs bêtes en ne rencontrant qu'une succession de rivières asséchées et de terres craquelées.
"Vous pouvez parcourir une longue distance et (les bêtes) meurent en chemin... C'est une vie très difficile", explique Kaltuma à l'AFP à Marsabit, une des principales villes de la moitié nord du Kenya où des millions de pastoralistes et leurs proches dépendent entièrement du bétail pour (sur)vivre.
Cette femme de 42 ans passe désormais un peu moins de temps à fixer le ciel et un peu plus à consulter son portable: des prévisions météorologiques lui parviennent par SMS sur son téléphone, lui indiquant les zones les plus susceptibles de recevoir des précipitations, à une échelle très précise.
Le Kenya est frappé par la sécheresse tous les trois à cinq ans, relève la Banque mondiale. Mais ces épisodes sont de plus en plus rapprochés et aigus.
Et la longue saison des pluies qui vient normalement arroser de mars à juin la grande moitié nord du pays et les voisins comme la Somalie ou l'Éthiopie s'annonce cette année très insuffisante.
Au point que les agences humanitaires comme le Programme alimentaire mondial (PAM) ont déjà mis en garde contre une hausse drastique du nombre de personnes qui vont nécessiter une aide alimentaire d'urgence dans les prochains mois en Afrique de l'Est.
"Intelligence agricole"
"Il ne pleut plus comme il pleuvait avant", constate Nandura Pokodo, venu vendre ses chèvres squelettiques au marché à bétail de Merille (nord). "Année après année, il est de plus en plus difficile de trouver des pâturages", se lamente cet éleveur de 55 ans.
En mars-avril, il a marché des jours et des jours sans trouver le moindre herbage pour ses bêtes. Il n'avait pas assez plu, voire pas du tout. Une vingtaine de ses chèvres et moutons n'ont pas survécu, soit environ 20% de son troupeau, et donc de sa richesse.
Pour éviter ces errances stériles, Kaltuma a longtemps fait appel à des guerriers du clan qu'elle envoyait en éclaireurs à la recherche de pâtures.
"Ils se lèvent très tôt le matin et il observent les nuages, ils regardent la lune, pour décider où aller. Mais à présent, j'utilise ça", dit-elle en regardant sur son téléphone portable les dernières prévisions météo envoyées par SMS dans la langue de son clan Rendille.
Le service de SMS qu'elle consulte est alimenté par les prévisions d'une société américaine "d'intelligence agricole", aWhere, fondée en 1999.
Les destinataires peuvent consulter les informations sur des téléphones portables très basiques et peu coûteux sur le marché kényan, notamment lorsqu'ils sont achetés d'occasion.
Kalachnikov en bandoulière
Ces prévisions météorologiques hebdomadaires ont non seulement permis à Samuel Lkiangis Lekorima de pérenniser son troupeau mais aussi d'améliorer la sécurité de sa communauté.
Car la raréfaction des points d'eau et des pâturages a conduit à une compétition accrue entre communautés de pastoralistes. Dans certains endroits ont eu lieu des violences entre éleveurs, qui pour beaucoup d'entre eux sillonnent désormais les pistes du nord kényan avec une kalachnikov en bandoulière.
Une dispute pour un point d'eau entre deux groupes a ainsi fait 11 morts près de la frontière éthiopienne début mai, selon la presse locale.
Samuel, éleveur de 22 ans de Marsabit, a mis à profit le service de SMS pour déminer les tensions avec d'autres clans.
"Quand je reçois un message (indiquant l'arrivée de la pluie), je téléphone (à d'autres éleveurs du clan) et je leur dis: +Ne partez pas, la pluie arrive ici prochainement+", explique-t-il à l'AFP, limitant ainsi les déplacements de ses collègues sur les terres associées à d'autres clans.
Assurance sécheresse
La société de nouvelles technologies Amfratech, qui a lancé le service en début d'année, a également développé une application plus avancée pour smartphones et ambitionne de convaincre plusieurs dizaines de milliers d'éleveurs, dans le cadre d'un projet financé en grande partie par l'Union européenne.
D'autres acteurs sont aussi à pied d'œuvre pour tenter d'améliorer le quotidien des pastoralistes et, ce faisant, protéger un secteur qui représente plus de 12% du Produit intérieur brut kényan, selon la Banque mondiale.
Ainsi l'Institut international de recherches sur l'élevage (International Livestock Research Institute - ILRI), installé à Nairobi, utilise des images satellites afin de repérer des niveaux de pâturages et d'eau très bas, synonymes de risque mortel pour les troupeaux.
Des polices d'assurances sont liées à cet index, qui prévoient le versement d'argent aux éleveurs avant que la sécheresse ne sévisse, leur permettant d'acheter assez de fourrage pour leurs bêtes.
Selon plusieurs intervenants du secteur, des dizaines de milliers d'éleveurs kényans ont déjà souscrit à ce type d'assurances.
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