A l'issue du premier "Conseil de défense écologique" et à trois jours des élections européennes, le Premier ministre Edouard Philippe et son ministre de l'Environnement, François de Rugy, ont confirmé l'abandon du projet actuel, le jugeant "incompatible avec les exigences de protection de l'environnement".
Emmanuel Macron l'avait déjà dit, mais jeudi le gouvernement a été plus catégorique: "Le projet ne se fera pas". Il "n'est pas soutenu par le gouvernement", a assuré le ministre aux journalistes qui lui demandaient de clarifier sa position. L'ancien ministre Nicolas Hulot avait fait état de ses réticences sur ce projet, tout comme la ministre des Outre-mer Annick Girardin.
La Compagnie Montagne d'Or a pris "acte" sans abandonner la bataille, réaffirmant "sa volonté de mener un dialogue ouvert et constructif avec l'ensemble des parties prenantes en vue de rendre ce projet compatible avec les exigences de protection environnementale".
Montagne d'Or, porté par un consortium russo-canadien, Nordgold-Columbus Gold, est le plus grand projet d'extraction d'or primaire jamais proposé en France. D'une superficie de 8 km2, il prévoit notamment une fosse de 100 hectares, pour une exploitation sur 12 ans de 6,7 tonnes d'or par an, au sud de Saint-Laurent-du-Maroni, en forêt équatoriale, via un procédé de récupération de l'or par cyanuration en circuit fermé.
Les déclarations gouvernementales ont provoqué le scepticisme des opposants au projet: "Ces annonces répétées semblent indiquer que le projet ne se fera pas mais le WWF France regrette que (...) le gouvernement n'ait toujours pas formellement et définitivement acté son abandon", a dit dans un tweet l'association environnementale.
Pour "Or de Question", qui regroupe les associations opposées au projet, "l'enfumage continue". Le collectif craint que "ces déclarations ne laissent la possibilité à la compagnie minière, voyant la porte fermée, de rentrer par la fenêtre en modifiant son projet".
"Grand flou"
Pascal Canfin, ancien directeur du WWF France, aujourd'hui sur la liste LREM aux Européennes, a assuré sur Twitter que le projet était "définitivement jugé incompatible avec les engagements de la France".
"Je n'ai pas entendu +définitivement+", a rétorqué sur Twitter le porte-parole de la Jeunesse autochtone de Guyane, Christophe Yanuwana Pierre. Interrogé par l'AFP, il a estimé "fragile" le rejet du projet.
Selon lui, "tout va se jouer" lors de la révision du code minier, annoncée par le gouvernement : "Il faudra faire passer l'interdiction de la cyanuration", ce procédé chimique qui permet d'augmenter les rendements aurifères.
Le député guyanais (GDR) Gabriel Serville a salué sur Twitter l'"excellente nouvelle que d'entendre le premier Conseil de défense écologique se prononcer contre Montagne d'Or. N'est-il pas temps de l'enterrer définitivement ?".
"Montagne d'or, le grand flou. C'est oui ou c'est non ?", a aussi commenté dans un tweet Manon Aubry, tête de liste LFI aux Européennes.
Pour Carol Ostorero, présidente de la Fédération des opérateurs miniers de Guyane, les propos sont "décevants" mais si la volonté du gouvernement est de "poser un cadre clair et sécurisé pour les investissements futurs, c'est une bonne chose".
Le projet, qui n'a pas été officiellement déposé -La compagnie Montagne d'or a une concession, mais n'a pas encore demandé de permis d'exploitation-, a fait l'objet d'un débat public d'avril à juillet 2018. Il a révélé "la profondeur de la fracture que le projet provoque au sein de la société guyanaise", selon la Commission nationale du débat public.
Il est notamment soutenu par le Medef, la quasi-totalité des élus du littoral et le président de la Collectivité territoriale, Rodolphe Alexandre (DVG), qui mettent en avant la promesse de création de 750 emplois directs, dont au moins 90% d'emploi local, et 3.000 emplois indirects, selon ses promoteurs.
Pour la première vice-présidente de la collectivité territoriale Hélène Sirder, "il n'y a pas eu de condamnation de la filière minière, ni condamnation des grands projets miniers", a-t-elle souligné sur Guyane la 1ere.
Les opposants dénoncent eux la déforestation, la proximité du site avec deux réserves biologiques et s'inquiètent des millions de tonnes de déchets générés, des boues issues du processus pour détacher l'or de la roche avec du cyanure.
La compagnie Montagne d'Or affirme de son côté que son projet "minimise les impacts", avec un site sur une zone en partie déjà exploitée, et "des choix techniques" pour "produire moins de résidus".
En novembre, elle avait déjà annoncé des "modifications d'ampleur" pour "réduire au maximum les impacts sur l'environnement". Mais les organisations amérindiennes avaient aussitôt promis "l'affrontement" si le projet se poursuivait.
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