Cette information judiciaire ouverte à Paris, qui vise également les conditions d'attribution des JO de 2016 et 2020, attribués respectivement à Rio et Tokyo, a connu un coup d'accélérateur ces dernières semaines, avec les mises en examen de plusieurs figures du monde sportif et médiatique.
Entendu en mars par le juge Renaud van Ruymbeke, Nasser Al-Khelaïfi ne s'est pas présenté le 16 mai à une nouvelle convocation et a été mis en examen par courrier, selon des sources concordantes.
Les magistrats financiers s'interrogent sur deux versements d'un total de 3,5 millions de dollars, réalisés à l'automne 2011 par la société Oryx Qatar Sports Investment, détenue à égalité par Nasser Al-Khelaïfi et son frère Khalid, au profit d'une société de marketing sportif dirigée par Papa Massata Diack ("PMD"). Ce dernier, fils de l'ancien président de la Fédération internationale d'athlétisme, Lamine Diack, a longtemps géré le dossier des droits marketing de l'IAAF.
A cette époque, Doha ambitionnait d'accueillir les Mondiaux d'athlétisme 2017, organisés par l'IAAF, et les JO-2020.
Les juges d'instruction financiers cherchent à déterminer si en contrepartie de ces versements, Lamine Diack, patron de l'athlétisme mondial de 1999 à 2015, a œuvré au report des dates d'organisation de ces deux compétitions, en raison des conditions météo du pays, et à l'obtention de votes de membres de l'IAAF en faveur du Qatar pour les Mondiaux.
Dans une réaction transmise à l'AFP, l'avocat de Nasser Al-Khelaïfi, Me Francis Szpiner, a contesté toute malversation de son client. Il y assure que les fonds versés par Oryx étaient "parfaitement tracés" et que le patron de beIN Sports "n'a validé aucun paiement de quelque nature que ce soit en lien avec les faits allégués".
Compétence
"Nasser Al-Khelaïfi n'est ni un actionnaire, ni un dirigeant, de la société Oryx en 2011. Il n'intervient ni directement, ni indirectement, dans la candidature de la ville de Doha. (...) Ces faits ne le concernent pas", a-t-il insisté.
L'avocat entend par ailleurs faire reconnaître que les juges français ne sont pas compétents pour enquêter sur ces faits et que la prescription est établie.
L'entraîneur du PSG, Thomas Tuchel, a pour sa part assuré qu'il n'était "pas inquiet". "Je n'ai pas parlé avec le président de cette chose. J'ai confiance en lui. Je pense que si c'est une chose grave ou sérieuse pour le club, il va me le dire", a-t-il ajouté en conférence de presse.
Dans ce dossier, un proche du dirigeant du Paris SG, Yousef Al-Obaidly, patron du groupe de médias beIN, a été mis en examen le 28 mars, également pour "corruption active".
Lamine Diack l'a, pour sa part, été pour "corruption passive". Son fils est par ailleurs visé depuis le 18 avril par un mandat d'arrêt pour des soupçons de "corruption passive" et de "blanchiment aggravé".
Le premier virement a été réalisé le 13 octobre 2011 et le second le 7 novembre 2011, soit quatre jours avant le vote de l'IAAF. C'est finalement Londres, entré dans la course après la capitale qatarie, qui l'a emporté.
Mais trois ans plus tard, Doha a obtenu l'organisation des Mondiaux d'athlétisme qui se tiendront du 27 septembre au 6 octobre, nouveau succès pour la diplomatie sportive de ce petit émirat gazier dont le point d'orgue a été l'obtention controversée de l'organisation du Mondial-2022 de football.
Ces versements étaient prévus dans un protocole d'accord passé avec la société de "PMD", Pamodzi, dans lequel Oryx Qatar Sports Investment s'engageait à acheter des droits TV et de sponsoring pour 32,6 millions de dollars mais à condition que Doha obtienne les Mondiaux-2017, selon une source proche du dossier.
Ce contrat stipulait que les paiements effectués avant la décision de l'IAAF du 11 novembre 2011 étaient "non remboursables", ce qui a intrigué la justice française.
Oryx Qatar Sports Investment est distinct du fonds souverain qatari Qatar Sports Investment, propriétaire du PSG.
Chargés d'enquêter sur un pacte de corruption entre le sommet de l'IAAF et la Russie pour étouffer des cas de dopage, les juges français ont démêlé l'écheveau de virements suspects qui les ont menés à "PMD". Dans ce dossier, le parquet financier vient de demander un procès en France pour Lamine Diack et son fils.
Réfugié au Sénégal, ce dernier a toujours réfuté les accusations de corruption mais la justice française n'a jamais pu l'entendre.
Au total, si le juge d'instruction Renaud van Ruymbeke suit ces réquisitions, ils seront six protagonistes sur le banc des prévenus.
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