La province d'Idleb et des segments des provinces voisines de Hama, Alep et Lattaquié, dominés par Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche d'Al-Qaïda), sont le théâtre depuis fin avril d'affrontements meurtriers entre jihadistes et forces pro-régime, soutenues par Moscou.
Depuis mardi soir, des combats intenses entre les deux camps ont fait 52 morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), à savoir 29 soldats et 23 jihadistes.
En outre, 14 civils sont morts dans des raids menés dans la nuit contre le fief insurgé, dont 12 dans la ville de Maaret al-Noomane. L'ONG, qui dispose d'un vaste réseau de sources dans le pays, dénombre également 18 blessés.
L'attaque visait un marché de la région, d'après la même source, qui l'a attribuée au régime de Damas.
Selon des témoins sur place, le secteur était bondé au moment des raids, alors que de nombreux habitants se trouvaient à une heure tardive dans le souk, après la rupture du jeune du ramadan.
Un correspondant de l'AFP a vu mercredi matin des devantures de magasins endommagées et des immeubles en lambeaux dans la zone ciblée par les frappes nocturnes.
"Beaucoup de magasins ont été détruits et le sol était jonché de morceaux de corps et de cadavres", a déclaré à l'AFP Khaled Ahmad, propriétaire d'un magasin dans le secteur visé.
"Les habitants ont toujours peur", a-t-il ajouté.
Accord russo-turc menacé
Idleb et ses environs ont fait l'objet en septembre 2018 d'un accord entre Moscou et Ankara sur une "zone démilitarisée" devant séparer les territoires aux mains des insurgés des zones gouvernementales attenantes.
Partiellement appliqué en raison du refus des jihadistes de se retirer de la future zone tampon, cet accord avait permis d'éviter une offensive d'envergure de l'armée syrienne. Mais le régime a continué d'y mener des frappes, devenues plus soutenues depuis février.
Et, depuis la fin avril, les forces pro-régime et celles de la Russie ont encore intensifié ces frappes, et se sont emparées de plusieurs villes dans le sud d'Idleb et le nord de Hama.
Mercredi, les combats intenses interviennent au lendemain d'une contre-attaque de HTS dans le nord de la province de Hama.
D'après l'Observatoire, le groupe jihadiste est parvenu à prendre la majeure partie de la ville de Kafr Nabuda, que les forces du régime avaient reconquise le 8 mai.
Ces développements, les plus graves depuis septembre, font craindre un effondrement de l'accord russo-turc.
Mardi, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a accusé le régime syrien de menacer l'accord de cessez-le-feu.
"Le régime fait tout ce qui est en son pouvoir pour briser le statu quo, notamment en utilisant des barils d'explosifs, (et en menant) une offensive terrestre et aérienne", a déclaré M. Akar à la presse.
Mais "les forces armées turques ne reculeront pas", a-t-il averti.
"Pires craintes"
Les appels à un arrêt des hostilités se succèdent, en parallèle, pour éviter un nouveau bain de sang.
Vendredi, l'ONU a sonné l'alarme sur le risque d'une "catastrophe humanitaire" à Idleb lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité.
Depuis fin avril, au moins 180 civils ont été tués, selon l'OSDH, tandis que plus de 200.000 personnes ont fui les combats, d'après le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).
Selon l'Ocha, les frappes russes et syriennes ont déjà visé 20 centres médicaux-- dont 19 sont depuis hors service-- ainsi que 17 écoles et trois camps de déplacés.
La région abrite plus de trois millions de personnes vivant dans des conditions particulièrement difficiles.
La moitié sont des déplacés ayant fui d'autres bastions rebelles reconquis ces dernières années par le régime.
"Malgré nos avertissements répétés, nos pires craintes se réalisent", a regretté le porte-parole d'Ocha, David Swanson.
Le pouvoir syrien, appuyé par ses alliés indéfectibles, Moscou et Téhéran, a multiplié ces dernières années les victoires face aux insurgés jusqu'à asseoir son contrôle sur près de 60% du pays.
Mardi, les Etats-Unis ont fait état d'"indications" selon lesquelles Damas aurait mené une nouvelle "attaque" chimique deux jours plus tôt dans le bastion jihadiste, menaçant de représailles.
L'OSDH a affirmé mercredi ne détenir "aucune preuve" d'une attaque présumée au chlore.
La Syrie est déchirée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 370.000 morts, et a poussé à la fuite des millions de personnes.
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