En débarquant son vice-chancelier filmé à Ibiza dans des tractations financières douteuses, puis en annonçant des élections anticipées, le chef du gouvernement a tenté de garder la main et de contenir les déflagrations d'un scandale inédit en Autriche.
Dès sa première déclaration samedi, vingt-quatre heures après les révélations qui ont entraîné la chute du leader d'extrême droite Heinz-Christian Strache, Sebastian Kurz est entré en campagne, appelant les Autrichiens à élargir la majorité de son parti conservateur.
Mais le pari du jeune dirigeant de sortir renforcé de cette crise se heurte à un premier écueil: il affrontera lundi une motion de censure déposée par le petit parti écologiste Jetzt qui exige son départ de la chancellerie et la nomination d'un gouvernement d'experts jusqu'au scrutin qui devrait se tenir en septembre.
Or les sociaux-démocrates et le parti d'extrême droite FPÖ n'ont pas exclu de voter la défiance, constituant une majorité de fait pour renverser Sebastian Kurz et son gouvernement.
"Comment exiger la confiance de quelqu'un à qui l'on vient précisément de manifester sa défiance", a cinglé l'ex-ministre de l'Intérieur Herbert Kickl, figure controversée de l'extrême droite, juste après s'être fait limoger sans ménagement lundi par le chancelier.
Pour M. Kurz, le maintien de ce ministre était incompatible avec le déroulement de l'enquête sur la vidéo tournée secrètement dans une villa d'Ibiza en 2017, où M. Strache se montre prêt à offrir des marchés publics autrichiens à la pseudo-nièce d'un oligarque russe.
En représailles, les autres ministres FPÖ ont quitté le gouvernement, laissant le parti ÖVP du chancelier seul à la barre.
"Rock-star"
"Un gouvernement de campagne électorale dirigé depuis une chancellerie transformée en QG de campagne, ce n'est pas une option", a tonné le député Peter Pilz, fondateur du parti Jetzt.
Les sociaux-démocrates du SPÖ laissent planer le doute sur leur vote lors de la session parlementaire de lundi, invitant le chancelier à partir de lui-même et demandant la nomination d'une équipe de transition.
"Nous n'avons plus confiance en M. Kurz", a lancé Thomas Drozda, l'un des responsables du SPÖ. Sa dirigeante, Pamela Rendi-Wagner, adversaire de M. Kurz pour les législatives à venir, estime qu'il "porte la responsabilité entière de l'échec de l'expérience" de coalition avec l'extrême droite.
En scellant une alliance avec le FPÖ, fin 2017, à l'issue des législatives que son parti avait remportées, Sebastian Kurz estimait avoir trouvé un partenaire fiable pour mettre en place une feuille de route de lutte contre l'immigration et de durcissement des conditions d'asile.
Plus jeune dirigeant d'Europe, le chancelier aujourd'hui âgé de 32 ans au parcours d'enfant prodige de la politique, avait même été qualifié de "rock-star" par un diplomate américain, sur un continent gagné par la montée des populismes et des droites radicales.
"Sebastian Kurz s'est trompé. Et massivement. On ne peut pas dire que le chancelier n'a pas été prévenu. Il y avait suffisamment de signaux indiquant avec quelle tribu louche et chaotique il avait formé une coalition", observait mardi un éditorial du journal de centre gauche Standard.
Les 18 mois de pouvoir de la droite et de l'extrême droite ont été émaillés de dérapages xénophobes de membres du FPÖ, de provocations soigneusement calibrées de ses dirigeants et d'initiatives controversées des différents ministres d'extrême droite.
M. Kurz s'est souvent vu affublé du surnom de "chancelier silencieux" par ses adversaires lui reprochant de ne pas hausser le ton contre son allié. Les deux partis ne cessaient de mettre en avant leur entente harmonieuse. Sebastian Kurz s'est défendu samedi, affirmant avoir connu des "moments difficiles à avaler" depuis le début de cette collaboration.
Le parti conservateur sur lequel il avait lancé une OPA surprise en 2017, contribuant à rajeunir son image et provoquant, déjà, des législatives anticipées, est donné largement en tête des sondages pour les élections européennes de dimanche, progressant même de plusieurs points depuis les révélations de l'"Ibiza-gate".
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