La presse autrichienne décrivait dimanche les troupes du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ) comme en état de sidération après la disgrâce de l'homme fort de cette formation d'extrême droite, Heinz-Christian Strache, acculé samedi à la démission de tous ses mandats.
Ce Viennois de 49 ans a quitté la tête du parti qu'il dirigeait depuis quatorze ans mais aussi son poste de numéro deux du gouvernement de Sebastian Kurz, qui avait noué une alliance avec le FPÖ après sa victoire aux législatives d'octobre 2017.
Des législatives anticipées ont dans la foulée été annoncées par M. Kurz. Elles devraient se tenir en septembre, comme l'a souhaité dimanche le chef de l'Etat Alexandre Van der Bellen, même si le calendrier précis n'est pas encore arrêté.
La situation était devenue intenable pour le patron du FPÖ après la publication d'extraits d'une vidéo tournée secrètement dans une villa d'Ibiza en 2017.
Un "thriller"
On y voit M. Strache et l'un de ses lieutenants discutant, notamment, de l'octroi de contrats publics autrichiens en échange de soutiens financiers, avec une interlocutrice qui se présente comme la nièce d'un oligarque russe.
Pendant les six heures que dure l'entretien, M. Strache dit aussi être prêt à remodeler la presse autrichienne "comme Orban", le Premier ministre hongrois qui a verrouillé le paysage médiatique de son pays. Et il évoque un mécanisme de financement illégal des campagnes électorales qui serait pratiqué par son parti.
Beaucoup d'interrogations demeurent sur l'élaboration du piège qui semble avoir été tendu au responsable autrichien dans une villa truffée de micros et de caméras.
"On ne peut pas lier la Russie à cette vilaine histoire en se basant sur la vidéo existante", a réagi dimanche un sénateur russe membre du comité pour les Affaires étrangères, Oleg Morozov, qualifiant les extraits diffusés de "thriller digne du cinéma".
"Les démissions des stars de la vidéo d'Ibiza ne pouvaient pas sauver la coalition", a estimé dimanche le quotidien conservateur Die Presse qui, à l'instar de tous les commentateurs, juge inévitables des élections anticipées, après seulement 18 mois de coalition entre les deux partenaires.
La pression reste forte sur Sebastian Kurz, mis en demeure par l'opposition de purger le gouvernement des cinq autres représentants du FPÖ toujours en poste, dont le très contesté ministre de l'Intérieur Herbert Kickl.
Sebastian Kurz "est celui qui a donné (au FPÖ) un rôle aussi prééminent", a accusé Beate Meinl-Reisinger, cheffe du parti libéral NEOS.
M. Kickl s'en est aussi pris au chancelier, lui reprochant d'avoir sacrifié la coalition par appétit du "pouvoir". "Nous sommes prêts pour la confrontation" des législatives, a-t-il assuré.
Mais l'extrême droite autrichienne, qui se voulait un modèle de crédibilité, doit d'abord se remettre en ordre de marche pour les européennes.
"Strache va certainement entraîner tout le FPÖ dans sa chute", pronostique le quotidien centriste Kurier. C'est la seconde fois qu'une participation du FPÖ à un gouvernement se termine piteusement pour ce parti qui, sous la direction de Jörg Haider, avait implosé lors la précédente coalition formée avec les conservateurs entre 1999 et 2002.
Plus nuancés, d'autres analystes soulignaient la capacité de résistance du FPÖ, doté d'une solide base électorale.
Merkel condamne
Avant l'"Ibiza-gate", le parti d'extrême droite était en légère perte de vitesse, crédité de 23% dans les sondages après une série de dérapages xénophobes de plusieurs de ses membres. Crédité d'environ 30%, l'ÖVP de Sebastian Kurz devançait les sociaux-démocrates (SPÖ, 27%).
Au niveau européen, ce scandale est un coup dur pour l'extrême droite, qui ambitionne de devenir la troisième force du parlement européen.
La crise a d'ailleurs gâché la grand-messe organisée samedi à Milan par le chef de la Ligue italienne Matteo Salvini avec ses alliés européens.
Plusieurs responsables européens ont vu dans ce scandale un avertissement pour les partis tentés par un rapprochement avec l'extrême droite. "Nous sommes confrontés à des courants (... ) qui veulent détruire l'Europe de nos valeurs, et nous devons y résister catégoriquement", a averti la chancelière allemande Angela Merkel.
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