"C'est une décision juste et opportune", a réagi auprès de l'AFP Me Randall Schwerdorffer, l'un des avocats de l'anesthésiste bisontin. Après plusieurs heures d'audience à huis clos, la juge des libertés et de la détention (JLD) a décidé de laisser Frédéric Péchier repartir libre sous contrôle judiciaire. Déjà interdit de pratiquer sa profession, le médecin a désormais également interdiction de résider à Besançon.
Le procureur de la République, Etienne Manteaux, avait annoncé jeudi après-midi, lors d'une conférence de presse, demander le placement en détention provisoire du médecin âgé de 47 ans.
Déjà mis en examen en 2017 pour sept premiers cas d'empoisonnement -- dont deux mortels --, alors laissé libre sous contrôle judiciaire, M. Péchier a été mis en examen jeudi pour "empoisonnement sur personnes vulnérables" pour 17 autres personnes, dont sept sont décédées.
Il est désormais poursuivi au total pour 24 cas, dont neuf mortels. Ces faits sont passibles de la réclusion à perpétuité.
En début de soirée, Frédéric Péchier, vêtu d'un jean et d'une doudoune orange sans manche, est arrivé à l'audience devant la JLD l'air fatigué, hirsute et barbu, a constaté une journaliste de l'AFP.
Son épouse, ses deux filles et ses parents étaient également présents au début de l'audience, avant que le huis clos ne soit prononcé.
"Professionnel habile"
Le Dr Péchier avait été déféré au tribunal de Besançon jeudi matin, après 48 heures de garde à vue, reconnaissant à la fin de son interrogatoire, selon le procureur de la République Etienne Manteaux, que "des actes criminels, des empoisonnements, ont bien été commis à la clinique Saint-Vincent" où il exerçait, mais niant en être l'auteur.
"Je n'ai à aucun moment vu (dans le dossier) qu'il y ait eu une quelconque reconnaissance d'empoisonnement par le Dr Péchier. Qu'il y ait eu des anomalies dans le traitement anesthésique, c'est possible, mais (...) il n'y a aucune raison de penser que c'est le Dr Péchier qui en a été l'auteur", a affirmé Me Jean-Yves Le Borgne, l'un de ses avocats.
Pour M. Manteaux, au contraire, le médecin est "apparu comme le dénominateur commun" des événements indésirables graves (EIG) relevés par le corps médical entre 2008 et 2016.
Les 17 nouveaux cas d'empoisonnements présumés, retenus parmi 66 EIG suspects initialement signalés, concernent des patients âgés de 4 à 80 ans.
Sept d'entre eux sont décédés, d'autres sont restés plusieurs jours dans le coma.
"Ces patients étaient opérés pour des chirurgies bénignes", mais ont pour la plupart fait des arrêts cardiaques lors des interventions, a expliqué Etienne Manteaux.
Le mode opératoire, selon lui, consistait "à polluer des poches de soluté de réhydratation ou des poches de paracétamol avec des anesthésiques locaux ou du potassium".
Le Dr Péchier n'a jamais été pris sur le fait mais il est au coeur d'"un faisceau d'éléments concordants", a assuré le magistrat lors d'une conférence de presse.
Ces EIG s'inscrivaient, a-t-il souligné, "dans un contexte de conflit aigu avec ses collègues anesthésistes ou chirurgiens" de la clinique Saint-Vincent de Besançon.
L'anesthésiste "se trouvait le plus souvent à proximité immédiate de la salle opératoire", a-t-il relevé, posant des "diagnostics précoces" lorsque "rien ne permettait à ce stade de suspecter un surdosage en potassium ou aux anesthésiques locaux".
Il était aussi le "seul anesthésiste présent le jour de l'ensemble des EIG suspects" ou peu de temps avant.
"Emballement judiciaire"
Me Le Borgne a fustigé "une sorte d'emballement judiciaire".
"Les éléments d'enquête ne prouvent (...) rien. Il y a une possibilité que le Dr Péchier ait été l'auteur de ces empoisonnements mais cette hypothèse n'est pas autre chose qu'une hypothèse", a-t-il argumenté.
Cette nouvelle mise en examen intervient après une enquête préliminaire de deux ans, pour les besoins de laquelle quatre corps ont été exhumés en 2018, et conduite parallèlement à l'instruction ouverte pour les sept premiers empoisonnements.
Avocat des parents de la plus jeune victime présumée, un enfant de quatre ans en 2016, opéré des amygdales et qui a survécu à deux arrêts cardiaques, Me Jean-Michel Vernier a évoqué leur "colère".
La famille, qui a porté plainte, entend se porter partie civile, selon le conseil.
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