"Ce face-à-face n'est pas militaire parce qu'il n'y aura pas de guerre. Ni nous ni (les Etats-Unis) ne cherchons la guerre, ils savent qu'elle ne serait pas dans leur intérêt", a déclaré mardi soir l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique.
"La nation iranienne est décidée à résister à l'Amérique", a ajouté le numéro un iranien, répétant son opposition à toute négociation "avec le gouvernement américain actuel".
Les déclarations de M. Khamenei reflètent la conclusion des autorités iraniennes selon laquelle M. Trump "n'est pas prêt à lancer une guerre à grande échelle dans une région sensible", affirme à l'AFP Amir Mohebbian, homme politique et analyste conservateur iranien.
Habitués aux déclarations souvent perçues comme provocantes en Occident, les responsables iraniens, même au sein des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, calibrent leur discours depuis plusieurs jours.
Répondant coup pour coup aux accusations américaines, ils mettent en garde Washington contre toute attaque visant l'Iran, leur prédisant "l'échec"... mais en insistant sur le fait que leur pays n'est pas une nation belliqueuse.
L'Iran est une nation "trop grande pour être intimidée par qui que ce soit", a clamé lundi soir le président Hassan Rohani.
"Nous agissons avec le maximum de retenue" face à une escalade "inacceptable" "provoquée par les Etats-Unis", a ajouté jeudi son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, en visite à Tokyo.
M. Zarif, qui doit se rendre vendredi en Chine, a également écarté "toute possibilité" de négociation avec les Etats-Unis, s'étonnant que le président Donald Trump ait pu affirmer la veille être "sûr" que l'Iran voudrait "bientôt discuter".
"Ni guerre, ni négociations"
"Les autorités iraniennes suivent le slogan du Guide suprême +ni guerre ni négociation+ avec l'administration Trump", résume auprès de l'AFP Clément Therme, chercheur spécialiste de l'Iran à l'Institut international des études stratégiques (IISS).
Pour M. Therme, "la surenchère rhétorique du côté" iranien se heurte par ailleurs "aux moyens militaires limités" de la République islamique.
L'Iran peut compter sur un nombre important de soldats: 475.000 hommes au total en prenant en compte l'armée nationale et les Gardiens, selon l'IISS.
Mais, conséquence entre autres de l'embargo international sur les armes le visant, le pays ne dispose par exemple, pour son armée de l'air, cruciale en cas de conflit, que d'une flotte vieillissante et relativement réduite.
Et dans un contexte de tensions économiques, Téhéran ne peut accroître substantiellement ses dépenses de défense, dans une course qui serait en outre perdue d'avance face aux moyens américains --le PIB des Etats-Unis est 47 fois plus élevé que celui de l'Iran, d'après le Fonds monétaire international (FMI).
Passablement tendues depuis la révocation unilatérale, il y a un an par M. Trump, de l'accord international de 2015 sur le nucléaire iranien, les relations entre Téhéran et Washington se sont encore davantage crispées ces dernières semaines.
Téhéran a indiqué le 8 mai avoir suspendu certains de ses engagements pris en vertu de ce texte.
Le même jour, Washington a renforcé ses sanctions contre l'économie iranienne avant d'annoncer un renforcement de sa présence militaire au Moyen-Orient, face à des menaces d'attaques présentées comme "imminentes" contre ses intérêts dans la région.
La méthode Trump "est la pression, et ne pas y résister conduit simplement à une pression plus forte" de sa part, avance Amir Mohebbian.
"Piège"
Jusqu'ici, ajoute-t-il, "l'Iran a agi de manière sage, en faisant preuve de flexibilité et de retenue pour montrer au monde que c'est Trump qui essaie de détruire l'accord" de 2015.
Pour M. Mohebbian, la République islamique s'efforce clairement de ne pas tomber dans le "piège" du président américain consistant à pousser l'Iran à la faute.
En avril, Washington a annoncé le classement des Gardiens de la Révolution sur sa "liste des "organisations terroristes internationales". Téhéran a répliqué en déclarant considérer désormais les troupes américaines déployées de la Corne de l'Afrique à l'Asie centrale comme des "groupes terroristes".
M. Therme relève toutefois "les difficultés à mettre en pratique ces menaces de cibler les forces militaires américaines dans la région", dans la mesure où cela "pourrait menacer les relations de bon voisinage, avec le gouvernement irakien par exemple".
Et, poursuit-il, "le principal facteur favorable au maintien d'une paix froide est la forte opposition des opinions publiques des deux pays à une guerre."
"En Iran, le souvenir de la guerre Iran-Irak (1980-88) est toujours très présente dans la mémoire collective, et l'une des principales forces (...) de la République islamique est d'assurer une certaine stabilité à la population", souligne cet expert.
Ce conflit Iran-Irak s'était achevé par l'épuisement des deux belligérants, sans gain territorial de part ou d'autre et au prix de 680.000 morts et disparus au total, selon l'historien français Pierre Razoux.
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