La règle de principe demeurerait au niveau national, mais les présidents de conseils départementaux auraient le pouvoir de relever la vitesse maximale sur certains tronçons, quitte à en assumer les conséquences en matière de sécurité routière.
C'est le compromis que dessine un amendement porté par le groupe LREM, en vue de l'examen du projet de loi d'orientation sur les mobilités dans les prochains jours à l'Assemblée. Et que le gouvernement est prêt à soutenir, a dit Edouard Philippe.
"Si les présidents de conseils départementaux souhaitent prendre leurs responsabilités, je n'y vois aucun inconvénient", a déclaré le Premier ministre jeudi sur franceinfo. En fixant toutefois une condition: que ce pouvoir des présidents de départements soit "systématiquement assorti de mesures" garantissant "le plus haut niveau de sécurité routière possible".
De quoi clore un débat épidermique? Les 80 km/h, considérés comme efficaces par la plupart des experts de la sécurité routière, sont dénoncés comme le symbole des villes déconnectées de la vie quotidienne des campagnes. Selon les sondages réalisés ces derniers mois, près de huit Français sur dix sont favorables à l'abandon ou du moins à l'assouplissement de la mesure.
Dès le début du grand débat national, mi-janvier, Emmanuel Macron avait ouvert la porte à des aménagements, disant devant des maires normands vouloir "quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent".
"Désaveu"
Fort des bons résultats de la Sécurité routière en 2018 (189 morts de moins qu'en 2017), Edouard Philippe défend lui toujours une mesure dont il se dit "fier" et qu'il ne regrette pas. "En général, quand je prends une décision je l'assume", a-t-il réaffirmé jeudi.
Lors de l'examen du projet de loi mobilités, le Sénat avait déjà voté fin mars la liberté pour les présidents de conseils départementaux, mais aussi aux préfets, la liberté de déroger aux 80 km/h, par exemple en remontant à l'ancienne limitation à 90.
En laissant la seule responsabilité aux présidents de conseil départemental, la majorité mise aussi sur le fait que peu d'entre eux oseront franchir le pas, trop soucieux de ne pas assumer les accidents mortels.
"Je prends le pari qu'au premier mort on descendra tous à 80 km/h", juge le chef de file des députés MoDem, Patrick Mignola.
L'association 40 millions d'automobilistes, grande adversaire des 80 km/h, a salué jeudi un "recul" d'Edouard Philippe, "et une victoire pour nous et la sécurité des routes".
"On revient à la même situation qu'avant, quand les présidents de conseils départementaux fixaient la vitesse au cas par cas, à 70 ou 90 km/h. Sauf qu'on a ajouté ce 80 km/h stupide. Ça va être un énorme micmac et un imbroglio pour tout le monde", a affirmé à l'AFP son délégué général Pierre Chasseray.
"Enfin la majorité présidentielle nous écoute : Edouard Philippe contraint au désaveu", s'est réjoui le sénateur Les Indépendants de la Vienne Alain Fouché, qui estime que les responsables locaux "connaissent mieux que quiconque le réseau routier".
Les partisans de la limitation, eux, ont affiché leur inquiétude. Pour Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, "nous allons payer le prix du sang de la pseudo responsabilité des élus qui préfèrent leur mandat à la sécurité des citoyens".
Selon la responsable associative, Emmanuel Macron a "lâché" son Premier ministre "depuis des mois" sur la question. Le chef de l'Etat "se laisse le temps de voir les effets de sa réforme de l'ISF mais ne va pas au bout des deux ans d'expérimentation des 80km/h. On aimerait qu'il attache autant d'importance à la vie des gens qu'à l'argent", a-t-elle fustigé.
Dès l'annonce de la mesure début 2018, Edouard Philippe s'était engagé à en tirer un bilan mi-2020 et à l'annuler si elle s'avérait inefficace.
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