Le débat sur le rapport d'activité, bilan des trois ans de mandat du secrétaire général, Philippe Martinez, a fait ressortir le grand malaise de cégétistes face à ce mouvement qu'ils ont regardé passer chaque samedi depuis six mois.
Ce malaise s'est traduit dans les urnes puisque le rapport n'a recueilli qu'un peu plus de 70% de suffrages exprimés, avec un taux notable d'abstention de 15%, loin des scores habituellement réalisés par les numéros un de la centrale.
Le mouvement des "gilets jaunes bouscule et remet en cause nos pratiques syndicales alors que certains pensaient que les Français étaient amorphes", a ainsi constaté Caroline Viau, syndicaliste francilienne représentant les cadres territoriaux, devant un millier de militants.
"Ces occupations de ronds-points nous ramènent à nos responsabilités face à ces invisibles, éloignés des partis politiques et des syndicats", a-t-elle ajouté, "alors que nous entendons les analyses les plus farfelues sur ce mouvement".
Elle a exhorté "chaque militant" à aller "au devant de cette manifestation pour que cette colère se transforme en construction collective" et ainsi parvenir à "transporter cette énergie collective au sein des entreprises et administrations". "Ne les laissons pas seuls dans la bataille!", a-t-elle invité.
"Quelques-uns se sont mobilisés aux Molière, nous n'aurions pas fait mieux!", a-t-elle dit, en référence à l'irruption d'intermittents "gilets jaunes" lundi lors de la cérémonie en l'honneur du théâtre. Quelques interventions plus tard, Marie Soubestre (artiste interprète) a précisément expliqué que cette action avait été préparée de concert avec la CGT, coutumière de telles irruptions sur scène.
"Macron dégage"
D'abord dédaigneux, puis timoré, le numéro un de la CGT cultive depuis le début l'ambiguïté vis-à-vis de ce mouvement spontané, protéiforme, sans leader et propulsé grâce aux réseaux sociaux.
En ouverture du congrès lundi, il a expliqué que ce mouvement "nous conforte dans nos analyses, sur notre présence ou notre absence dans les entreprises et notre place dans toute la société, sur l'image que nous pouvons renvoyer d'un syndicalisme un peu trop plan-plan".
Et d'appeler à "agir ensemble, gilets jaunes et gilets rouges", "partout où cela est possible", avec ce bémol d'être "lucides sur les réalités et les contradictions de ce mouvement".
Il est le "reflet des déserts syndicaux", avait-il dit récemment, esquissant un début d'introspection.
Astrid Petit, de l'AP-HP a fait le point sur la grève en cours aux urgences parisiennes. "Dans les deux cas, gilets jaunes et urgences sont des mouvements inédits et spontanés, signes annonciateurs de mouvements qui vont surgir de la même façon", a-t-elle lancé.
Un "surgissement d'en bas" qu'il ne "faut pas prendre avec des pincettes et avec défiance", a mis en garde cette syndicaliste hospitalière.
"Ce qui les unifie c'est +Macron dégage+, et nous aussi ça doit être notre mot d'ordre, nous devons être derrière eux pour que Macron dégage", a renchéri une syndicaliste de Lyon.
En filigrane de la trentaine d'interventions, l'échec de ces dernières années, notamment celui de la mobilisation contre la loi travail en 2016. "Manque d'audace", "actions sages et sans surprises", a amèrement énuméré Nicolas Lepain (agglomération de Bourges).
La "méfiance [des gilets jaunes] n'est-elle pas due au fait que nous perdons toutes nos luttes?", a renchéri Marie Soubestre, posant clairement la question de "la crédibilité".
En réponse à toutes ces critiques, la direction s'est bornée à dire que la CGT ne pouvait pas être responsable à "elle seule de tous les reculs sociaux que subit le monde travailleur ces dernières années".
"Nous devons aussi réfléchir et travailler à la stratégie des luttes, des convergences avec d'autres acteurs, comme les gilets jaunes", s'est contentée de relever Gisèle Vidallet, membre de la garde rapprochée de Philippe Martinez.
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