Le projet de loi qui concerne les 5,5 millions d'agents (Etat, hospitalière, territoriale) est "percuté" par avance par les récentes annonces du chef de l'Etat: le possible abandon de l'objectif de 120.000 suppressions de postes d'ici 2022 et la volonté de repenser le fonctionnement de la haute fonction publique, avec la suppression de l'ENA.
Ces sujets ne figurent pas stricto sensu dans le projet, mais ne manqueront pas de planer sur les deux semaines d'examen, avec plus de 1.000 amendements au menu, avant un vote solennel le 28 mai.
La journée de mobilisation des fonctionnaires qui a rassemblé jeudi 108.900 manifestants en France selon le ministère de l'Intérieur, 250.000 selon la CGT, comptera aussi. Les syndicats ont fait front commun pour critiquer "un passage en force" du gouvernement, qu'ils accusent de vouloir une fonction publique alignée sur les règles du privé, au détriment du statut de fonctionnaire et de l'indépendance des agents.
Le secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique Olivier Dussopt assure, lui, que le statut "n'est pas remis en cause", mais qu'il s'agit de le "faire évoluer". Le texte vise notamment à davantage de "souplesse" dans le recrutement avec un recours accru aux contractuels -déjà au nombre d'1 million -, des mobilités facilitées, ou encore un dialogue social "simplifié" avec une refonte des instances.
Il contient en quelque sorte la boîte à outils des futures réductions de postes, l'objectif restant "atteignable", d'après le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, même s'il n'est "pas un totem" selon Olivier Dussopt.
Un élu de la majorité craint par avance des débats électriques dans l'hémicycle, à l'approche des élections européennes du 26 mai.
"Mitage du statut"
Les oppositions critiquent en particulier le recours accru aux contractuels, et voient dans l'instauration d'un "contrat de projet" (nouveau CDD sur le modèle du privé) un facteur de "précarisation". Elles dénoncent aussi un recours important aux ordonnances.
Pour LR, Olivier Marleix a évoqué en commission "une espèce de mitage du statut". La droite dénonce également l'absence de mesures sur le pouvoir d'achat ou qui "permette de réduire la dépense publique".
L'UDI-Agir estime que "le gouvernement est un peu resté au milieu du gué" tandis que Libertés et Territoires juge que le texte "répond davantage à un objectif comptable qu'à un véritable mouvement de transformation" de la fonction publique.
La gauche, à l'unisson des syndicats, reproche au gouvernement de vouloir "petit à petit grignoter" et "affaiblir" le statut, et de reprendre "la méthode des ordonnances travail".
Le PS pointe un "risque réel de déstabiliser" le système, Boris Vallaud estimant que l'objectif est "la remise en cause de la fonction publique de carrière".
Félicitant ironiquement gouvernement et majorité pour s'être mis "100% des organisations syndicales à dos", Ugo Bernalicis (LFI) fustige "une attaque en règle contre le statut" qui "deviendra demain l'exception et non plus la règle".
D'après les députés communistes, qui ont promis de "batailler" contre un texte "profondément idéologique", le gouvernement "ne s'autorise pas à s'attaquer frontalement au statut", mais "utilise un biais qui est l'ouverture massive au recrutement de contractuels pour progressivement éteindre les agents sous statut".
En commission, gouvernement et majorité ont donné des gages en matière de précarité ou de transparence, Olivier Dussopt annonçant notamment l'instauration d'une prime de précarité pour certains contrats à durée déterminée (CDD), comme réclamé par la rapporteure Emilie Chalas (LREM).
Pour un contrôle plus efficace du "pantouflage" (départs d'agents dans le privé), les députés ont aussi prévu de faire fusionner la commission de déontologie des fonctionnaires avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ils prévoient aussi un rapport annuel sur les plus hautes rémunérations.
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