La restauration de la cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique gravement endommagé le 15 avril par un incendie, représente "un défi inédit", technique, architectural et financier, pour le gouvernement qui a fait le choix d'accompagner sa mise en oeuvre par un texte spécifique. Celui-ci passera ensuite au Sénat dès le 27 mai.
Face aux dons et promesses de dons de particuliers, d'entreprises ou de collectivités, qui approcheraient désormais le milliard d'euros, le gouvernement a voulu mettre en place un dispositif de gestion et de contrôle.
Le texte entérine l'ouverture de la souscription nationale depuis le 16 avril et prévoit que l'ensemble des dons recueillis seront reversés à l'État ou un établissement public.
Les donateurs particuliers pourront bénéficier d'une réduction d'impôts de 75% dans la limite de 1.000 euros pour tous les dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019.
Cette première partie du projet de loi a été peu critiquée au Palais Bourbon, la seule question en débat étant de savoir ce que l'État ferait d'un éventuel surplus des dons, une fois les travaux réalisés.
Pourquoi ne pas redistribuer l'argent restant à d'autres cathédrales ou églises en péril, ont suggéré des élus. En commission, la rapporteure Anne Brugnera (LREM) a appelé à la prudence, estimant que ce débat sur les excédents pourrait pousser "certains à se rétracter alors que le chiffrage des travaux n'a pas débuté".
Le ministre de la Culture Franck Riester a lui affirmé que "tout l'argent des dons" ira bien à Notre-Dame. Le montant total des travaux ne dépasserait pas 600 à 700 millions d'euros selon diverses estimations.
Dérogations litigieuses
La seconde partie du projet de loi est plus controversée. Elle porte sur la création par ordonnances d'un établissement public pour concevoir, réaliser et coordonner les travaux. Il est prévu également une habilitation du gouvernement à déroger si nécessaire à certaines règles d'urbanisme, de protection de l'environnement, de commande publique ou de préservation du patrimoine.
Des députés d'opposition ont critiqué un "blanc-seing" donné au gouvernement pour la création d'un établissement public, avant même d'en connaître la composition. La rapporteure a justifié la mesure par la volonté de faire participer les acteurs concernés comme la mairie de Paris et le diocèse.
Mais c'est la carte blanche pour déroger à certaines règles qui est la plus polémique, beaucoup y voyant les conséquences de la volonté d'Emmanuel Macron de voir se réaliser les travaux en cinq ans.
"Il n'est pas question de remettre en cause les principes fondamentaux de la préservation du patrimoine", mais de "gagner du temps sur les démarches administratives", a tenté de rassurer Franck Riester.
"Les bâtisseurs de cathédrales travaillent pour l'éternité. Qui sommes-nous pour précipiter la rénovation de Notre-Dame et nous éloigner des règles d'urbanisme ?", a dénoncé Brigitte Kuster (LR), son président de groupe Christian Jacob affirmant sa volonté "que le droit commun soit préservé".
"Ce n'est pas en imposant un agenda" calqué sur "les Jeux olympique de Paris en 2024" que "nous seront fidèles" à Notre-Dame, a fustigé Alexis Corbière (LFI), Marie-George Buffet (PCF) redoutant que ces "dérogations" ne créent "un précédent".
Enfin, si la question architecturale n'est pas évoquée dans le projet de loi, certains comptent bien la mettre sur la table. Constance le Grip (LR) a déjà tenté sans succès en commission d'inscrire le principe d'une restauration "à l'identique", afin d'"empêcher des gestes architecturaux qui aillent trop loin".
Le chef de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a lui décidé de lancer une pétition pour une reconstruction "à l'identique".
La rapporteure, qui s'appuie sur l'avis d'architectes, affirme que c'est "en fait impossible, voire irréaliste". "Même si nous sommes tous attachés à l'image que nous avions de Notre-Dame (...) il ne faut rien écarter".
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