Au moins 53 combattants ont été tués depuis lundi dans des affrontements entre les troupes loyalistes et les jihadistes menés par Hayat Tahrir al-Cham (HTS), organisation formée par l'ex-branche d'Al-Qaïda qui domine Idleb mais aussi des territoires des régions attenantes, notamment Hama.
Ces violences sont parmi les plus meurtrières depuis que Moscou, allié du régime, et Ankara, parrain de certains groupes rebelles, ont dévoilé en septembre 2018 un accord sur une "zone démilitarisée", qui devait séparer les territoires insurgés des zones gouvernementales et garantir un arrêt des hostilités.
Cette initiative a permis d'éviter une offensive d'envergure du régime. Mais, depuis février, le pouvoir de Damas poursuit le pilonnage de la région. Et les bombardements de ces derniers jours, menés aussi par l'aviation russe, ont gagné en intensité.
Mardi, des dizaines de véhicules et de camionnettes, transportant femmes et enfants coincés entre les matelas et les piles d'effets personnels emportés à la hâte, ont encore fui le sud d'Idleb en direction de secteurs plus au nord, relativement épargnés, selon un correspondant de l'AFP.
Certains partent sur leurs tracteurs, emportant avec eux leur bétail, d'après la même source.
"La plus terrifiante"
Fuyant un village du sud de la province d'Idleb avec sa femme et leurs trois enfants, c'est la troisième fois qu'Abou Ahmed se retrouve déplacé par le conflit.
"Cette fois-ci, c'était la plus terrifiante. Les avions n'ont pas arrêté, ni les obus", dit le quadragénaire, rencontré en chemin.
"On a encore une longue route, on ne sait pas où on va, mais en veut en finir avec les bombardements", ajoute-t-il.
Avec la recrudescence des hostilités, plus de 150.000 personnes ont été déplacées depuis février dans la région, selon les Nations unies.
Lundi, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a exhorté les belligérants à protéger les civils, réclamant une "désescalade urgente".
Lundi, neuf civils ont été tués dans des raids russes ou des bombardements du régime, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), précisant que le pilonnage se poursuivait mardi.
Des unités de l'armée ont tiré des roquettes sur les "terroristes" dans le nord-ouest de la province de Hama, en réaction à des "attaques", a indiqué de son côté l'agence officielle Sana.
Dans ce secteur, les combats ont fait rage toute la nuit, jusqu'à ce que les forces du régime prennent mardi le contrôle d'une colline, selon l'OSDH.
Au moins 29 jihadistes ont été tués, dont des membres de HTS et du Parti islamique du Turkestan, de même que 24 combattants prorégime, d'après un nouveau bilan fourni par l'Observatoire.
Depuis le 28 avril, au moins sept hôpitaux ou centres médicaux ont été touchés par des bombardements, certains se retrouvant hors-service, a déploré l'ONU. Neuf écoles ont aussi été touchées, selon la même source.
"Offensive limitée"
Dominé par HTS, Idleb est le dernier grand bastion jihadiste à échapper au pouvoir de Bachar al-Assad, après plus de huit ans d'un conflit dévastateur.
L'écrasante majorité des quelque trois millions d'habitants vit grâce à l'aide humanitaire. La moitié sont des déplacés, arrivés à Idleb après avoir fui d'autres bastions rebelles reconquis par le régime.
Le pouvoir syrien, appuyés par ses alliés indéfectibles, Moscou et Téhéran, a multiplié ces dernières années les victoires face aux insurgés, jusqu'à asseoir son contrôle sur près des deux-tiers du pays.
A maintes reprises, le régime a martelé sa détermination à reconquérir toute la Syrie, déchirée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 370.000 morts et laissé des villes et des régions entière en ruines.
Aron Lund, expert du think-tank The Century Foundation, n'exclut pas "une offensive limitée à Idleb, grignotant certains secteurs", dans l'objectif "d'affaiblir HTS" ou d'obtenir "des concessions spécifiques".
Un scénario d'autant plus plausible que deux autoroutes passant par Idleb --qui devaient relier les territoires aux mains du régime à Alep (nord), Hama (centre) et Lattaquié (nord-ouest)-- n'ont pu rouvrir jusque-là au trafic.
L'expert sur la Syrie, Fabrice Balanche, envisage lui aussi une offensive. "La partie nord (d'Idleb) restera encore pour quelque temps un fief de HTS adossé à la frontière turque" mais "l'armée syrienne aura plus de facilité à reprendre le sud", dit-il.
Et parvenir à rétablir la circulation sur les deux autoroutes permettra de redonner une bouffée d'oxygène à Alep et réduire les coûts de transports vers la métropole, relève M. Balanche.
"Alep demeure isolée car privée de la plus grande partie de son arrière-pays et mal reliée au reste de la Syrie", ajoute-t-il.
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