Une personne est morte et deux autres ont été grièvement blessées dont une par balles depuis le début des violences qui ont éclaté mercredi après-midi après le déploiement des forces de sécurité autour du domicile de l'ancien président Boni Yayi dans la capitale économique.
M. Yayi avait appelé à boycotter le scrutin de dimanche dont l'opposition avait été exclue. Son domicile a été encerclé quelques heures après l'annonce d'un taux d'abstention record.
Craignant qu'il ne soit arrêté ses partisans ont, depuis mercredi, dressé des barricades sur tous les points d'accès autour de son domicile du quartier de Cadjehoun, avec des pneus en feu et armés de pierres et de bouteilles d'essence en guise de cocktails Molotov artisanaux.
Tout au long de la matinée jeudi, des centaines de personnes, notamment des chauffeurs de taxi-moto, se sont rassemblées pour faire front devant l'armée, déployée dans la ville, et qui a lancé des tirs de sommation à plusieurs reprises pour tenter de dissiper la foule.
Gris-gris vaudou
Des "chasseurs traditionnels" et des manifestants hostiles au pouvoir brandissaient des gris-gris vaudous en première ligne.
"Personne n'a fermé l'oeil jusqu'à ce matin", a déclaré à l'AFP Justin B., un militant du FCBE, le parti de l'ex-chef de l'Etat passé à l'opposition.
"Vers 22H00 (mercredi), ils ont coupé la lumière et ont tiré à balles réelles", affirme-t-il en montrant deux douilles vides et des taches de sang au sol.
Un peu plus loin dans le quartier de Cadjehoun, une habitante indique aussi avoir entendu des tirs et constaté des coupures de courant.
"Nous ne savons pas du tout ce qu'il va se passer maintenant, mais on sent que ça va mal", confie cette femme d'une quarantaine d'année.
Les premières victimes graves, dont une touchée par des tirs de balles réelles, ont été annoncées jeudi.
"Sur les personnes amenées à l'hôpital dans la nuit -de mercredi à jeudi- une femme a succombé à ses blessures, un homme blessé par balles est toujours soigné et un homme, blessé en voulant ramasser une grenade, a dû être amputé du bras", a indiqué une source au centre hospitalier universitaire de Cotonou.
La famille de l'homme blessé a confirmé à l'AFP qu'il "avait reçu une balle dans le dos".
Le ministre de l'Intérieur a démenti toute tentative d'arrestation de l'ex-président et a assuré que les forces de sécurité étaient déployées pour empêcher des rassemblements non autorisés.
Usine incendiée
Mais les violences ont aussi atteint le Nord. A Kandi, l'une des principales usines de coton du pays - secteur dans lequel le président Talon a fait fortune avant de se lancer en politique - a été incendiée dans la nuit.
"Des manifestants ont mis le feu à l'usine dans la soirée. On n'a encore aucune idée des dégâts mais ils sont énormes. Tout a brûlé", a confié à l'AFP un sapeur-pompier béninois.
Selon un habitant de Kandi joint au téléphone, les manifestants ont même tenté de "s'en prendre aux pompiers qui essaient d'éteindre le feu".
Ses détracteurs accusent le président Patrice Talon d'avoir engagé un tournant autoritaire au Bénin, pays modèle de la démocratie en Afrique de l'Ouest.
Chez ses opposants comme au sein de la société civile on l'accuse d'être derrière l'exclusion des grands partis d'opposition - officiellement évincés pour n'avoir pas respecté le nouveau code électoral.
Le taux d'abstention de près de 80%, selon des résultats partiels de la commission électorale, est considéré comme un désaveu pour le chef de l'Etat même s'il est assuré de voir les partis proches du pouvoir - seuls en lice - remporter la majorité au Parlement.
Mardi, les anciens présidents Boni Yayi (2006-2016) et Nicéphore Soglo (1991-1996) ont évoqué un "coup d'Etat électoral".
Amnesty International et de nombreuses associations locales de la société civile béninoise ont dénoncé les coupures d'internet ainsi qu'un "niveau de répression alarmant" au Bénin.
L'Union européenne a fait part de son embarras.
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