L'étude de ce fossile démontre que l'homme de Denisova, mystérieuse espèce éteinte identifiée en 2010 grâce à l'analyse de l'ADN ancien d'un petit os de doigt trouvé dans la grotte de Denisova, dans l'Altaï (Russie), était présent non seulement en Sibérie du Sud mais aussi en Chine.
Et que ce cousin lointain de l'homme était déjà adapté aux hautes altitudes bien avant l'arrivée de l'homme moderne dans cette région, soulignent mercredi ces scientifiques dans la revue Nature.
Cette fois-ci, ce n'est pas l'ADN qui a parlé mais des protéines anciennes qui ont pu être extraites d'une molaire encore présente sur la mâchoire. Une technique nouvelle, développée par l'équipe de Jean-Jacques Hublin à l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste à Leipzig (Allemagne).
Cette découverte est d'importance car jusqu'à présent les paléoanthropologues ne disposaient que de petits fragments d'os trouvés à Denisova, ne permettant pas du tout de savoir à quoi pouvait ressembler cette espèce.
Ce que l'on sait aussi, c'est que l'ADN denisovien a subsisté à l'état de trace dans des populations actuelles d'Asie, notamment au Tibet et dans les régions environnantes. Les populations autochtones d'Australie et de Mélanésie sont celles qui en ont conservé le plus.
"Pour que notre ancêtre Homo sapiens, en chemin pour coloniser l'Australie, ait rencontré ces Denisoviens, il a bien fallu qu'il y en ait ailleurs que dans l'Altaï, probablement dans une grande partie de l'Asie continentale", déclare à l'AFP le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin.
La mandibule chinoise en apporte la preuve matérielle. Le fossile provient de la grotte de Baishiya, un sanctuaire bouddhiste à Xiahe, dans la province chinoise du Gansu.
"Extraordinaire"
La mandibule a été découverte en 1980 par un moine qui en a fait don au sixième "Bouddha vivant" qui l'a ensuite transmise à l'université locale de Lanzhou.
Là, le fossile a sommeillé longtemps jusqu'à ce que des chercheurs de l'université décident de l'étudier.
"Un beau matin, alors que j'étais en vacances, j'ai reçu un mail d'une collègue chinoise, Dongju Zhang, qui m'envoyait des photos de la mandibule. J'ai tout de suite vu que c'était quelque chose d'extraordinaire", raconte M. Hublin.
Il s'agit d'une mandibule "extrêmement robuste, avec des dents de très grande taille". Son propriétaire avait "le menton fuyant".
La mandibule est recouverte d'une croûte de carbonate qu'un laboratoire de Taïwan s'est chargé de dater, établissant qu'elle avait au minimum 160.000 ans. Cet âge minimal correspond à celui des plus vieux spécimens de la grotte de Denisova.
Une recherche d'ADN ancien sur la mandibule n'a rien donné. Mais "l'analyse des protéines montre que la mandibule de Xiahe appartient à une population d'hominines proches des Denisoviens de la grotte de Denisova", souligne Frido Welker, de l'Université de Copenhague.
L'analyse morphologique de la mandibule permet de voir que l'individu partageait des caractéristiques anatomiques de l'homme de Néandertal et de l'homme de la grotte de Denisova. D'après ses dents, il s'agissait vraisemblablement d'un adolescent.
Jean-Jacques Hublin se réjouit: "Nous allons pouvoir comparer ce fossile à d'autres spécimens non identifiés des collections chinoises". L'extraction d'ADN ancien, sensible aux conditions environnementales, n'a pas marché sur eux mais celle de protéines anciennes pourrait être plus fructueuse.
"Mon hypothèse, c'est qu'une bonne partie des fossiles chinois ou d'Asie de l'Est plus vieux que 50.000 ans et plus récents que 350.000 ans sont probablement des Denisoviens".
Autre sujet d'enthousiasme: "Avoir des êtres, quand même assez archaïques, qui vivaient sur le plateau tibétain à une telle altitude il y a 160.000 ans, c'est quelque chose que personne n'avait imaginé".
Une étude récente parue fin 2018 dans Science avait mis en évidence la présence d'humains à haute altitude sur le plateau tibétain il y a environ 30.000 à 40.000 ans. "Là, c'est quatre fois plus ancien et ce n'est pas un Homo sapiens moderne!", s'exclame-t-il.
Cela démontre que les Denisoviens se sont adaptés à un environnement pauvre en oxygène bien avant qu'Homo sapiens n'arrive dans la région. Cela permet de comprendre pourquoi ils avaient un gène particulier pour respirer à haute altitude. Un gène que l'on retrouve d'ailleurs chez les habitants actuels du Tibet et des régions environnantes, qui possèdent un peu d'ADN venant des Denisoviens.
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