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Les Arara, des Indiens attachés à leur culture, loin du "zoo" évoqué par Bolsonaro

En bermuda et t-shirt, les Arara sont loin du cliché de l'Indien à moitié nu et coiffé de plumes, mais restent farouchement attachés à leur culture et à leur territoire, au coeur de l'Amazonie brésilienne, dans l'Etat du Para (nord).

Les Arara, des Indiens attachés à leur culture, loin du "zoo" évoqué par Bolsonaro
Vue aérienne du camp de la tribu indigène Laranjal sur les terres des Arara, dans l'Etat brésilien du Para, en Amazonie, le 14 mars 2019 - Mauro Pimentel [AFP]

Quelque 200 Arara vivent dans le village Laranjal, au bord de la rivière Iriri et à quatre heures de bateau d'Altamira, la plus grande ville de la région. Une équipe de l'AFP a passé plusieurs jours parmi eux.

Ils se plaignent du fait que les terres qui leur sont réservées sont régulièrement spoliées par les trafiquants de bois et d'une multiplication d'incursions depuis l'arrivée au pouvoir en janvier de Jair Bolsonaro.

Le chef de l'Etat, un ancien militaire d'extrême droite, a donné le ton de sa vision des questions indigènes en se demandant peu après son élection "pourquoi maintenir les Indiens reclus dans des réserves, comme des animaux dans un zoo?".

Les Indiens sont "comme nous, ils veulent évoluer, prendre l'avion, avoir accès à des médecins, des dentistes, la télévision, internet", poursuivait-il.

Plusieurs milliers de représentants de tribus indigènes du Brésil, certains en tenues traditionnelles, campaient jeudi dans le centre de Brasilia pour un rassemblement de trois jours destiné à faire valoir leurs droits sur leurs terres ancestrales.

Si certains Arara s'habillent comme à la ville, d'autres ont le visage ou les membres peints de motifs inspirés de plantes ou d'animaux, à l'aide de pigments extraits de baies de jenipapo, un arbre fruitier de l'Amérique tropicale.

Leurs maisons en bois aux parois peintes en bleu ont été bâties dans un style similaire à celui de leurs demeures traditionnelles par Norte Energia, la société qui gère le barrage de Belo Monte en construction, à titre de compensation pour les dommages environnementaux.

Le dispensaire et le logement de fonction de l'infirmière, eux aussi construits par l'entreprise, sont en béton.

Selon les chiffres officiels, quelque 800.000 indigènes de 305 ethnies vivent au Brésil, un pays de 209 millions d'habitants. Certains sont plus attachés aux traditions que les Arara, vivant isolés et s'habillant uniquement de simples pagnes au milieu de l'épaisse forêt. D'autres ont au contraire totalement abandonné leur style de vie ancestral et préfèrent vivre en ville.

Contrairement à d'autres indigènes, les Arara parlent tous la langue ancestrale, les plus anciens refusant même pour la plupart de s'exprimer en portugais.

Un groupe électrogène est allumé de 19h00 à 22h00, le temps pour certains jeunes de charger leur téléphones portables. Ils ne captent pas de réseau, mais regardent des clips de vedettes comme la chanteuse pop brésilienne Anitta, qu'ils téléchargent quand ils sont en ville.

Voici le déroulé d'une journée passée chez les Arara:

- 4h00: Pas besoin de réveil, le chant tonitruant des coqs met les oreilles non averties au supplice bien avant le lever du soleil. Le village tout entier est une véritable basse-cour géante, des dizaines de gallinacées se promenant en toute liberté... avant de passer à la casserole. Certains habitants maintiennent des singes en semi-captivité, parfois tenus en laisse: un temps animaux de compagnie, ils finissent en ragout.

- 7h30: L'infirmière Karina Silva Marçal, qui vient de l'extérieur, n'a pas le temps de finir son petit-déjeuner. Un petit garçon tape déjà à sa porte pour demander du sirop pour la toux. La jeune femme noire de 32 ans est une itinérante: elle passe deux mois dans un village, puis se repose en ville pendant un mois. Chez les Arara, Karina doit prendre soin tout particulièrement de deux personnes handicapées. "Mais le pire fléau, c'est la grippe. Quand les Arara vont en ville, ils reviennent souvent malades et si on ne fait pas attention, tout le village est contaminé", explique-t-elle.

- 10h00: La rentrée scolaire a eu lieu depuis plus d'un mois en ville, mais l'école du village n'ouvrira ses portes que la semaine prochaine. L'enseignante Janete Carvalho, 35 ans est déjà à pied d'oeuvre. C'est l'heure du grand nettoyage, pour que les quatre salles de classe, regroupées dans deux grandes maisons de bois, soient parfaitement opérationnelles. Sur les murs, on peut voir des papiers colorés avec les noms des enfants, la plupart en langue ancestrale, comme Mupera, Tjianden ou Mogoia, et leur date d'anniversaire. "Les jeunes Indiens ne sont pas très différents des autres enfants. En général, ils sont très bons en maths et adorent les cours d'arts plastiques", explique l'enseignante.

- 11h30: Pendant que sa femme épluche le maïs et fait cuire du manioc et du poisson pour le repas, Munenden, 23 ans, jeune homme souriant au corps athlétique, contemple de sa fenêtre son fils d'un an et demi qui crapahute dans l'herbe, une peinture de jenipapo tatouée sur les bras et le visage. "Je n'aime pas passer trop de temps en ville, il y a trop de maladies. J'y vais seulement quand c'est nécessaire", affirme le jeune homme.

"On va parfois à Altamira faire des courses, mais on ne passe pas plus de deux jours là-bas", renchérit son voisin Mouko, un homme 43 ans à l'expression sévère. "Bolsonaro veut que les Indiens vivent comme les Blancs, mais nous n'abandonnerons jamais nos coutumes. On vit de la pêche et de la chasse, il faut préserver la nature, arrêter d'arracher les arbres."

Les Arara chassent notamment des cochons sauvages - noirs comme des sangliers, mais plus petits et dépourvus de défenses - et pêchent des poissons comme le tucunaré (appelé aussi Peacock Bass), un gros poisson de 50 cm emblématique des affluents de l'Amazone. Ils dépendent aussi des allocations de la "Bolsa Familia", programme social créé par la gauche en 2003 pour inciter les familles brésiliennes à scolariser leurs enfants.

- 15h30: Une dizaine d'hommes courent vers la forêt, des fusils à la main. Non, le village n'est pas attaqué, mais un troupeau de cochons sauvages a été aperçu, l'occasion d'organiser une battue. Les jeunes s'engagent dans un sentier, un ancien décide d'en emprunter un autre, suivi à distance par une quinzaine de femmes et d'enfants portant une brouette et des machettes. Les jeunes reviennent bredouille, mais l'ancien, fort de son expérience, tue quatre cochons.

La brouette est trop petite pour les transporter? Pas de problème, les machettes sont aiguisées et le gibier est dépecé sur place, les tripes dégoulinantes laissées à même le sol. Les cuissots et les côtes sont découpés soigneusement et portés sans difficulté par les enfants. Le cochon à la broche s'annonce savoureux!

- 19h30: Le groupe électrogène est déjà en marche, mais une poignée d'enfants maigrichons de 3 à 8 ans en short préfèrent s'amuser près du feu. Ils empoignent des bâtons, se visent les uns les autres comme s'ils tiraient et les "morts" s'écroulent de façon très théâtrale. À quoi jouent-ils? "Aux Indiens"!

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