La plus haute juridiction administrative a jugé conforme à la loi la décision collégiale d'arrêt des soins, prise le 9 avril 2018 par le CHU de Reims pour faire cesser un "acharnement thérapeutique" mais contestée par une partie de la famille. En 2014, elle s'était déjà prononcée pour la fin du traitement.
Ancien infirmier psychiatrique de 42 ans, Vincent Lambert est cloué sur un lit d'hôpital depuis un accident de la route en septembre 2008 et souffre de lésions cérébrales "irréversibles", selon les médecins.
Comme l'avait fait le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) le 31 janvier, le juge des référés du Conseil d'Etat a considéré que la poursuite du traitement, "n'ayant d'autre effet que le maintien artificiel de la vie", traduirait "une obstination déraisonnable", clé de voûte de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie.
La décision d'arrêter l'alimentation et l'hydratation artificielles de Vincent Lambert et d'assortir la fin de ce traitement d'une sédation profonde et continue est donc légale, selon le Conseil d'Etat.
Une nouvelle expertise a confirmé que l'état végétatif du patient était comparable cliniquement à celui constaté en 2014, à l'exception "d'éléments minimes d'aggravation". Le Conseil d'Etat a de nouveau acté que "M. Lambert n'aurait pas voulu vivre dans de telles conditions", se basant sur les affirmations de proches en l'absence de volontés écrites du patient.
Mais pour les parents Lambert, qui réclamaient la suspension de la procédure médicale et que leur fils, "handicapé", soit accessible à une rééducation dans un établissement spécialisé, "la décision de provoquer la mort de Vincent Lambert ne peut pas être exécutée".
Catholiques farouchement opposés à l'euthanasie passive, Pierre et Viviane Lambert ont annoncé, par l'intermédiaire de leurs avocats Mes Jean Paillot et Jérôme Triomphe, le dépôt de "deux recours au fond" suspendant la décision du Conseil d'Etat. L'un devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), l'autre devant le Comité international de protection des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l'ONU.
Famille déchirée
La bataille judiciaire autour du maintien en vie de Vincent Lambert va donc se poursuivre devant les instances internationales. Elle déchire sa famille depuis six ans: d'un côté, les parents ainsi qu'un demi-frère et une soeur s'opposent à l'arrêt des soins; de l'autre, son épouse Rachel - sa tutrice légale depuis 2016 -, son neveu François et cinq frères et soeurs du patient dénoncent un acharnement thérapeutique.
Déjà saisie par les parents de Vincent Lambert, la CEDH s'était prononcée en 2015 en faveur de l'arrêt des traitements, à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat du 24 juin 2014.
Ces décisions n'avaient toutefois été jamais mises en oeuvre, freinées par le manque de réactivité de l'hôpital et englouties sous les recours juridiques. Deux autres procédures d'arrêt des soins avaient été noyées sous les circonvolutions judiciaires et les pressions subies par les médecins.
Les parents Lambert ont également tenté d'obtenir le dépaysement de l'affaire, reprochant à la juridiction administrative de Châlons-en-Champagne "une partialité, un parti pris", qui rendait selon eux impossible l'obtention d'"une véritable évaluation" de l'état de leur fils. Le Conseil d'Etat avait rejeté leur pourvoi le 25 mars.
L'avocate de Pierre et Viviane Lambert au Conseil d'Etat, Me Claire Le Bret Desaché, a déploré que la décision de mercredi "ne parle pas du rapport des experts de novembre 2018, qui disaient dans leurs conclusions qu'il n'y avait pas d'obstination déraisonnable, ce qui est une condition posée par la loi".
Délégué général d'Alliance Vita, association anti-avortement et anti-euthanasie, Tugdual Derville s'est dit "choqué qu'en 2019, la vie ou la mort d'un patient relève d'une décision de justice administrative".
François Lambert, le neveu de Vincent, qui avait dit avant l'audience ne pas attendre "grand-chose" de la décision du Conseil d'Etat, a souligné que seul comptait "que les traitements soient arrêtés, qu'il puisse partir".
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