Le maréchal Khalifa Haftar, parti depuis le 4 avril à la conquête de la capitale libyenne Tripoli, est accusé par ses rivaux de vouloir instaurer une nouvelle dictature militaire.
"Des centaines de combattants sont morts pour se débarrasser de Kadhafi. Nous allons tout faire pour que ces sacrifices n'aient pas été faits en vain", lance Mohamad.
Le jeune homme est tiraillé. Aujourd'hui il combat, perché sur un pick-up équipé d'une mitrailleuse. Mais, sous la pression de son père, il va devoir rentrer chez lui dans une semaine pour partir étudier en Malaisie.
"Je veux rester ici. On me dit que la guerre ne va pas s'arrêter avec mon départ. Mais si tout le monde se dit la même chose, il ne restera plus personne sur le front", lâche-t-il.
Le jeune homme fait partie d'un groupe armé de Misrata, ville à 200 kilomètres à l'est de Tripoli, qui avait participé aux combats contre le groupe Etat islamique (EI) à Syrte en 2016.
"Et maintenant, Haftar vient dire qu'il veut débarrasser l'ouest du pays du terrorisme. Où était-il quand nous combattions l'EI ?", lance-t-il.
La Libye est principalement divisée entre deux autorités rivales: à l'ouest, le gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par la communauté internationale et basé à Tripoli, et à l'est l'Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée par le maréchal Haftar.
Si beaucoup de milices qui combattent les forces de l'ANL au sud de Tripoli sont fidèles au GNA, toutes ne le sont pas explicitement. Mohamad et ses compagnons se définissent avant tout comme des combattants anti-Haftar.
"Nous allons le pourchasser jusqu'à son fief" de Benghazi, dans l'est du pays, assure Hicham Abdallah, lui aussi venu de Misrata. "Ses combattants fuient à chaque coup de canon. Ils ont peur."
Derrière eux flotte un épais brouillard, mélange de poussière et de fumée qui s'échappe d'un camion en flammes au milieu d'une prairie d'herbes sèches qui brûle aussi.
A al-Hira, au pied de la montagne de Djebel Nefoussa, des groupes armés venus de plusieurs villes de l'Ouest ont réussi depuis le début de la contre-offensive samedi à repousser les forces de Haftar sur plusieurs kilomètres.
Ils affirment lui avoir coupé la route entre Tripoli et sa base arrière, à Gharyan, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale.
"Pour la patrie"
"Nous avançons vers Gharyan, nous allons bientôt en finir avec ce despote. Nous allons continuer jusqu'au Rajma", le quartier général de Haftar à Benghazi, lance un commandant de Zentan (ouest), une des premières villes à s'être soulevée contre le régime du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011.
Ses forces tentent de tenir un barrage de sécurité qu'ils viennent de prendre à l'ANL, à moins d'une vingtaine de kilomètres de Gharyan. Mais des salves d'obus et des tirs de mitraillettes obligent quelques véhicules à faire marche arrière.
Les balles sifflent pendant quelques minutes, un avion survole la zone. L'atmosphère est tendue. Mais, galvanisés par leur victoire du jour, les combattants maintiennent leur position. Par miracle, sans aucun blessé.
"Nous allons gagner car notre cause est juste. Nous nous battons pour la patrie, mais eux (les pro-Haftar) se battent pour une personne", lance Khalifa Derdira, 30 ans, venu de Zentan. "Nous ne le laisserons pas détruire Tripoli", ajoute-t-il.
Mais le mal semble déjà fait dans plusieurs quartiers de la banlieue sud de la capitale, où se sont concentrés jusqu'ici les combats qui ont fait 272 morts, près de 1.300 blessés et plus de 30.000 déplacés selon un dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé.
Al-Aziziya, à 50 kilomètres au sud de Tripoli, est une ville fantôme. Située à mi-chemin entre la capitale et Gharyan, elle a été désertée par ses habitants après de violents combats.
Sur l'avenue principale, jonchée de douilles et d'étuis d'obus, les affrontements ont laissé des trous béants dans certains murs. Les rideaux de fer des commerces ont été soufflés ou tordus.
"Voilà le résultat. Haftar est décidé à détruire tout le pays et à nous faire revenir des dizaines d'années en arrière", regrette Khalifa Derdira. Mais il promet que "son sort sera pire que celui de Kadhafi", tué en octobre 2011 dans des circonstances troubles, peu après sa capture après huit mois de conflit.
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